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Hachette Litteratures
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Colette a 59 ans lorsqu'elle publie, en 1932, Ces plaisirs dont le titre deviendra, en 1941, Le pur et l'impur. Elle atteint alors la perfection de sa sensibilité et de son style, si intense dans ce libre recueil de souvenirs attachés à quelques figures de femmes ou d'hommes "monstrueux". Souvenirs moraux pourrait-on dire, puisque Colette y traque les instants de beauté ou de grâce qui font croire en une certaine pureté de la vie. Souvenirs de "spectateur" ou de "témoin translucide" ; elle y écoute et nous fait entendre la musique d'une voix, d'un regard, d'une présence. Entre deux parfums, on y discernera l'odeur subtile de l'amour et de la jalousie.
Colette exerce ici, sur trente années de sa vie parisienne, la clairvoyance secrète qu'elle partage avec les chats qui l'accompagnent. Voici un livre qui commence par les vibrations intimes des corps, par ces désirs et ces plaisirs qui ne suffisent jamais, et qui finit par l'aveu d'une "soif optique de pureté". Colette espérait que l'on s'apercevrait un jour que c'est là son meilleur livre.
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«Il regardait les deux femmes sans les voir et broutait une rose. (...) - Beau Farou ! cria tendrement Fanny.
La voix de Jane, plus douce, imita par jeu :
- Beau Farou !
Et l'imitation fut si fidèle que Fanny, surprise, l'écouta comme un écho.
Farou, atteint par la double voix, et par un chèvrefeuille d'Espagne, dont le parfum massif lui barrait le chemin, s'arrêta, psalmodia sa petite chanson rituelle :
- Ah ! tout's ces femmes ! Tout's ces femmes ! J'en ai des femmes dans ma maison !
Il bâilla, parut s'éveiller et découvrir l'univers. Il remonta son pantalon de shantung qui tombait, se gratta la tête. Il était sans défiance ni coquetterie, heureux la plupart du temps, et jeune à quarante-huit ans comme les hommes qui n'acceptent autour d'eux, dans l'ordinaire de leur vie, que la compagnie des femmes.
- Laquelle m'a appelé la première ? s'écria le Grand Farou.» Les infidélités d'un homme volage, la complicité entre deux femmes, la jalousie amoureuse : Colette orchestre ces thèmes avec talent pour en faire un roman plein de finesse et de subtilité. -
Petite fille adorée de deux demi-mondaines, Gigi s'applique à manger délicatement du homard à l'américaine, à distinguer une topaze d'un diamant jonquille et surtout à ne pas fréquenter « les gens ordinaires ». On lui apprend son futur métier de grande cocotte. Mais Gigi et Gaston Lachaille, le riche héritier des sucres du même nom, en décident autrement...
Gigi, un des rares romans d'amour heureux de Colette, donne son titre à cet ouvrage qui comporte trois autres nouvelles : « L'Enfant malade », « La Dame du photographe », « Flore et Pomone », dont la richesse du style, d'un art inimitable, enchante.
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"- ne t'aventure jamais à décider de ce qui rend ou non une femme orgueilleuse, michel.
- oh! je sais bien...
elle se pencha et sa bouche hardie, son nez aux narines plates dépassèrent la zone d'ombre.
- non, tu ne sais pas. et moi non plus, je n'arrive pas à deviner l'idée que tu as de moi depuis...mais je commence à croire qu' un homme et une femme peuvent tout faire ensemble impunément, tout, sauf la conversation. depuis l'autre jour, quand l'un de nous deux parle, l'autre écoute avec politesse de sourd, ou bien lui répond de cent lieus, de dieu sait où, d'un récit sur lequel il gesticule, perdu, tout seul...non, je t'en prie! on va encore se rendre enragés..." ...la solitude et la rage couvent, en effet, sous la délicate écriture de ce duo, et la flamme violette de la jalousie consume les restes d'un amour presque pur, presque parfait. ce roman, d'une violence et c'une modernité incroyables, a été écrit par colette il y a déjà plus d'un demi-siècle. seuls les chefs d'oeuvre ne meurent pas.
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«Elle s'abandonna enfin au "toutounier natal", vaste canapé d'origine anglaise, indestructible, défoncé autant qu'une route forestière dans la saison des pluies.» Alice retrouve ses soeurs Colombe et Hermine auprès de ce toutounier-refuge, ce toutounier complice, témoin de leur solidarité, de leurs misères, de leurs rêves, de leurs amours, de leurs vies... « Le toutounier... Le gîte, la caverne, ses marques humaines, ses traces humbles contre les murs, son incurie qui n'est pas sale... Personne n'y a été heureux, mais personne ne veut le quitter...» Ce récit intimiste possède le charme et la saveur de l'univers de Colette.
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Réunis dans l'ordre de leur publication, ces quatre textes autobiographiques de Colette sont une source de plaisir et de découverte toujours renouvelés. Ces récits nous entraînent de la maison natale à Saint-Sauveur-en-Puisaye aux aventures de la vie parisienne, de la petite fille sauvage qui aime fuguer à l'aube à la Colette Willy séparée d'un époux manipulateur et obligée de gagner sa vie au music-hall. La diversité de ses textes montre que Colette n'a rien de l'écrivain un peu mièvre, dominé par la nostalgie du passé ou scandaleusement immoral auquel elle a été longtemps identifiée. Son écriture ne se complaît ni dans la facilité, ni dans la provocation. Elle s'insurge contre tout ce qui emprisonne et tout ce qui se dégrade. L'oeuvre affirme ainsi sa valeur d'exorcisme et ses enjeux profonds.
Nouvelle édition revue et augmentée par Marie-Françoise Berthu-Courtivron.
Marie-Françoise Berthu-Courtivron est chargée de cours à l'Université de Paris III et enseigne aux Cours de Civilisation Française de la Sorbonne. Elle a publié deux livres sur Colette : Espace, demeure, écriture (Nizet, 1992) et Mère et fille : l'enjeu du pouvoir (Droz, 1993). Elle est aussi responsable des publications pour la Société des Amis de Colette.
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Ainsi réunis, et dans l'ordre que voici, qui n'est pas toujours celui de leur publication, ces textes nous donnent les mémoires que Colette n'a pas écrits. Ceux de son enfance, de sa jeunesse, de sa conquête de Paris...
Du Jardin-du-Haut et du jardin-du-Bas de la maison familiale, aux hauts et aux bas de la vie parisienne. Mais des mémoires d'une sorte particulière, car Colette, au mitan, à la mi-temps, comme aux derniers jours glorieux de son existence, vit au présent ce que pour elle-même, plus encore que pour nous, elle raconte en s'en enchantant avant de nous enchanter...
Le seul Claudine que l'on trouvera ici est le seul digne de figurer dans de vrais mémoires : La Maison de Claudine...
Nous ne savons pas ce qui nous intéresse et nous émeut le plus, à la fin, dans ce livre fait de textes si divers et si pareils, de l'indestructible enfance retrouvée dans cette enfant Colette que seule la mort, dans un grand âge, a détruite ; ou de cette fausse Claudine, cette vraie Colette mêlée à la vie demi-mondaine d'une frivole, charmante et féroce époque.
Nous ne la verrons pas souffrir, mais nous devinerons ses souffrances. Souffrances d'amour si discrètement évoquées dans Les Vrilles de la vigne...
Il y a de belles pages, au commencement de Mes apprentissages sur "l'arrogant déclin" de la belle Otero. Et les dernières lignes du même ouvrage évoquent d'autres confidences possibles, celles d'un autre temps : "Si j'écrivais quelque jour mes souvenirs de l'autre versant..." Mais ici, dans ce livre-ci, nous sommes sur le versant ensoleillé...
C.M.