Quelle différence y a-t-il entre une jeune paysanne grecque fuyant Smyrne incendiée par les Turcs en 1922, et une lolita américaine qui découvre, à l'âge de quinze ans, qu'elle est aussi un garçon ?
Deux générations.
C'est en effet ce qui sépare Desdemona et Cal, la grand-mère et la petite-fille. C'est aussi la durée dans laquelle s'inscrit cette extraordinaire saga gréco-américaine.
Mi-épopée, mi-roman d'apprentissage, ce livre est un hybride. Tout comme son héros/héroïne, qui connaît la joie - et la douleur - d'appartenir aux deux sexes, avant d'opter définitivement pour celui qui lui convient. Des collines d'Asie Mineure aux villas cossues de Grosse Pointe, du fracas des canonnières dans le Bosphore aux explosions des grenades lacrymogènes dans les rues de Detroit, du ragtime au rock'n'roll, un demi-siècle d'Histoire se déroule sous nos yeux. Pour aboutir à livre transcende tous les genres : c'est une idylle, une comédie postmoderne, une histoire de la littérature, un récit érotique, une confession, une élégie.
Université de Brown, années 80. Madeleine Hanna est l'intellectuelle par excellence, la jeune femme douée qui fait une thèse sur « Jane Austen, George Eliot et la question du mariage dans le roman anglais ». Comme dans ces fictions qu'elle dissèque, elle se retrouve au coeur d'un dilemme. Une femme, deux hommes : quelles possibilités ? Charismatique, séduisant, Leonard Bankhead n'en est pas moins dévoré par des accès maniaco-dépressifs. Mitchell Grammaticus, lui, est un étudiant presque trop sérieux, un ami fidèle.
Bien sûr, Madeleine tombe sous le charme de Leonard. Bien sûr, Mitchell tombe sous le charme de Madeleine.
Ils découvrent avec exaltation la littérature, Roland Barthes, les Talking Heads, la sémiologie et l'amour. Au fil des lectures, des discussions, des analyses, ils pensent apprendre à déchiffrer le monde. Mais la réalité ne fait pas de cadeaux, surtout à ceux qui pensent que les romans leur ont tout appris. Pour les trois jeunes gens, elle se révèle brutale : Madeleine et Leonard se marient, mais le jeune homme est rattrapé par ses pulsions autodestructrices. Mitchell fuit à Paris puis en Inde, sans parvenir tout à fait à oublier Madeleine.
Acclamé dans le monde entier, ce nouveau livre de l'auteur de Middlesex réinvente l'idée même d'intrigue conjugale. Que deviennent les histoires d'amour dans une époque qui dynamite tous les schémas ? D'un classique triangle amoureux, Jeffrey Eugenides tire un texte magistral, d'une ampleur comparable à Freedom de Jonathan Franzen.
« Tomasina pouvait juger de la fécondité d'un homme à son odeur et à son teint. Une fois, pour amuser Diane, elle avait ordonné à tous les individus de sexe masculin de tirer la langue. Ceux-ci s'étaient exécutés sans poser de question. Comme toujours. Les hommes aiment être objectifiés ».
La gent masculine, voilà le sujet des nouvelles qui composent Des raisons de se plaindre. Leurs petites lâchetés, leur mauvaise foi, leurs erreurs et leurs errances. Leurs soucis d'argent, leurs peines de coeur et leur compétition sexuelle... mais aussi leur charme, leur maladresse. On n'aimerait pas forcément croiser ces personnages dans la vraie vie. Mais l'humour et la cocasserie les rachètent. En somme, ils nous ressemblent.