Justine Augier ("De l'ardeur", "Par une espèce de miracle"...) qui pratique et incarne une forme de pudeur et d'éthique littéraire assez uniques voit son projet d'écrire sur la littérature comme lieu de l'engagement entrer en collision avec la maladie et bientôt la mort de sa mère. Alors que la nature même de l'urgence mute, l'intime et l'universel se tressent dans un texte bouleversant de justesse et de clairvoyance. Et qui rappelle le potentiel devenir résistant de chaque lecteur.
À l'intersection du littéraire et du politique un livre bref et fulgurant qui trouve sa place entre Hannah Arendt et Joan Didion. Pas moins.
«De l'ardeur» reconstitue le portrait de Razan Zaitouneh, figure de la dissidence syrienne enlevée en décembre 2013, avec trois de ses compagnons de lutte - et à travers elle, le puzzle éclaté de la révolution en Syrie, et du crime permanent qu'est devenu ce pays. C'est le récit d'une enquête et d'une obsession intime, le partage d'un vertige. Une porte d'entrée sur une réalité que l'immédiateté de la tragédie tient paradoxalement à distance. Un questionnement sur l'engagement et sur l'importance du langage. Un texte urgent, nécessaire, d'une justesse et d'une éthique proprement bouleversantes.
Après le chaos provoqué par une pandémie meurtrière, et afin qu'un tel fléau ne puisse s'abattre à nouveau, les entreprises RICH ont créé La Belle Zone : une cité coupée du reste du monde et protégée par un haut mur. Véritable havre de paix et de sécurité. Depuis sa naissance, Cléo vit ainsi enfermée avec sa mère dans un petit appartement fonctionnel, où elle étudie, interagit grâce au réseau Mondo. Ses seules distractions sont les sorties autorisées sur le toit de son immeuble transformé en potager - où elle retrouve Ilya, son unique véritable ami - et la promenade hebdomadaire en extérieur. Mais attention, sans jamais quitter sa combinaison et son masque, et sous la surveillance constante de drones... C'est le prix du bien-être de tous. Il y a bien ces rumeurs de complots fomentés par les secteurs les plus pauvres de la Zone et la menace d'un mégafeu qui se rapprocherait dangereusement. Cléo n'y croit pas, elle est résolue à devenir une citoyenne modèle. Pourtant, le doute finit par s'installer en elle : les autorités cachent-elles des choses, manipulent-elles la vérité ? Elle étouffe dans ce monde confiné et aspire à plus de liberté, se sent attirée par des terres lointaines. Un roman d'anticipation qui invite à réfléchir sur nos renoncements d'aujourd'hui, les dérives d'une société du contrôle, et une possible réinvention...
C'est dans un documentaire sur Yassin al-Haj Saleh que Justine Augier avait découvert Razan Zaitouneh, à qui elle a consacré son livre précédent, «De l'ardeur. »Près de cinq ans plus tard, elle rejoint l'intellectuel syrien dont l'épouse a été enlevée en même temps que Razan, désormais exilé à Berlin, à l'heure où des tribunaux français, suédois et allemand, au nom de la compétence universelle, s'apprêtent à juger certains responsables des crimes contre l'humanité commis en Syrie depuis 2011. Au cours d'une conversation qui se prolonge sur une année, ensemble ils tentent d'apprivoiser l'inconfort de la survie et de l'exil, les refuges et les ressources de la pensée, d'explorer les points de résonance entre la tragédie syrienne et le passé européen, avec la volonté urgente de croire que la justice pourrait rendre au peuple syrien la dignité que sa révolution écrasée a tenté d'arracher, et dessiner une alternative au désespoir.
En faisant miroiter les histoires qui constituent la population de La Ville, Justine Augier trace un portrait singulier et pluriel de Jérusalem, faisant affleurer ses complexités d'une manière aussi limpide que sensible. Composé de fragments de récits et de littérature comme autant de polaroïds en temps réel, Jérusalem est un texte inquiet et pénétrant qui place le lecteur face à sa plus urgente et sa plus déterminante responsabilité : celle d'écouter avant de juger. Nécessaire.
Entre hypnose et fascination, un homme aux prises avec son propre puzzle joue avec le feu : assiégé par les assauts d'une mémoire incertaine et vivant comme en colocation avec le passé et ses fantômes, Jean Verdier résiste au deuil et à l'âge avec autant de naturel et d'entêtement qu'il a résisté à l'été 1942. Quand une historienne vient l'interroger sur sa guerre.
Dans cette corrida intime, Justine Augier rend à sa matière mouvante - la mémoire, le passé, la vérité, le temps - sa charge littéralement explosive, sa fatale toute-puissance, son vertige.
Dans ce pays-là et ce futur-là, en Naol, le rêve et le doute sont prohibés, le rendement est le mot d'ordre et les habitants vantent les bienfaits de l'hyperactivité. Tous, sauf Ellis Spencer. Discrète, chétive et étourdie, Ellis est le strict opposé de ses deux frères, Allan et Richard, de vrais enfants «modèles». La jeune fille est donc un grand sujet d'inquiétude pour ses parents qui la placent dans une école spéciale pour enfants à problèmes, l'Académie. L'occasion pour Ellis de comprendre qu'elle n'est pas si seule à être marginale... Un autre élève, Peter, clairement en opposition avec la discipline nationale, attire son attention et la convainc progressivement d'intégrer un réseau de résistance ultrasecret. L'objectif de cette organisation : résister pour avoir le droit de ne pas porter des puces électroniques, ni de travailler jusqu'à la fin de sa vie... D'abord effrayée par ce réseau clandestin, Ellis comprend vite qu'elle tient là une chance inespérée de pouvoir être elle-même et s'engage dans cette lutte.
Quelle surprise de retrouver à la tête du mouvement son propre frère, Allan, pourtant si fanatique du régime en apparence !