Il a fallu deux ans à Maïssa Bey pour traduire en mots cette part muette de sa vie : son père mort sous la torture en 1957 pendant la guerre d'Indépendance, alors qu'elle avait sept ans. Son récit est splendide dans sa sobriété, la force de son évocation et l'absence inouïe de haine. Une leçon magistrale, qui l'a confirmée dans son rôle d'écrivain tout en mettant en avant son souci constant d'humanité. Ce texte sera précédé d'un texte inédit de Maïssa Bey, intitulé Un long cri stridentpublié par Le Monde à l'occasion du soixantième anniversaire du cessez-le-feu en Algérie.
1962, l'indépendance en Algérie. Deux écoliers, Amine et Lilas, apprennent avec stupeur qu'il sera désormais interdit d'utiliser le crayon rouge. Car le papier reste blanc, l'encre bleue et il n'est plus question de maintenir le « bleu blanc rouge » du drapeau colonisateur. Désormais les corrections se feront à l'encre verte. Au travers de leurs deux voix en alternance, de l'enfance à l'âge adulte, est racontée la destinée d'une Algérie nouvelle qui tente de se construire.
« Je suis ou je serai bientôt un personnage de roman. Un roman qui aurait pour mots clés : Femme.
Meurtre. Prison. Violence. Silence. » Elle a tué. Elle a purgé sa peine. Elle se tait. Tout est dit.
Jusqu'au jour où une femme vient frapper à sa porte.
Pourquoi lui ouvre-t-elle ? Peut-être parce que celle qui se présente comme l'écrivaine a prononcé le mot « criminelle ». Elle ne sait pas. D'abord rétive, elle se (dé- )livrera peu à peu. Paroles nues, paroles crues, qui démaillent, point par point, une histoire ancestrale, qui ne se raconte pas.
Nous sommes en Algérie, chez Maïssa Bey. Entre rêve et quotidien, elle nous promène dans son pays qui se débat sans fin dans ses contradictions - celles qui entravent les femmes, celles qui font que dans une société musulmane, le joug masculin ressemble à s'y méprendre à celui de Dieu. Les nouvelles de ce recueil ont toutes pour héroïne une femme qui se bat pour son identité, sa vie, sa liberté... même si celle-ci ne se rencontre parfois que dans la mort. T elle Salomé, chacune d'entre elles se dévoile dans son portrait tracé avec amour et tendresse par Maïssa Bey.
Il a fallu deux ans à Maïssa Bey pour traduire en mots cette part muette de sa vie : son père mort sous la torture en 1957 pendant la guerre d'Indépendance, alors qu'elle avait sept ans. Son récit est splendide dans sa sobriété, la force de son évocation et l'absence inouïe de haine. Une leçon magistrale, qui l'a confirmée dans son rôle d'écrivain tout en mettant en avant son souci constant d'humanité.
Hizya est une jeune femme comme les autres, tellement comme les autres ! Ce qui se confirme - si besoin en était - à l'écoute des confidences entendues dans le salon de coiffure où elle a finalement trouvé du travail, malgré son diplôme d'interprète de la fac d'Alger. T oujours chez ses parents, sous l'oeil attentif de ses frères, elle rêve à une vie de liberté et à un grand amour... comme au cinéma !
C'est cette réalité qu'Hizya nous révèle, la sienne, celle du quotidien de la société algérienne, celle de la désespérance d'une jeunesse qui suffoque dans un pays immobile.
Elle nous raconte l'être femme aujourd'hui et là-bas, alors que sa vie d'adulte se construit.
À travers de somptueuses fulgurances poétiques, Maïssa Bey se jette tout entière dans la bataille.
Maïssa Bey parle du destin d'une de ces mères devenues orphelines de leurs enfants dans une guerre monstrueuse qui n'a même pas de nom. Le jour où elle découvre, sur une photo, le visage de l'assassin de son fils, Aïda part à sa recherche. Une quête dont elle retrace chaque soir le parcours dans des lettres qu'elle adresse à son enfant. Comment accorder dès lors son corps et sa raison au rythme du temps ? Comment, alors que bat en elle l'obsession de la vengeance, va-t-elle retrouver le goût des jours, le goût de la lumière, le goût des autres ? Plaie vive de l'absence mais aussi désir d'aller au-delà de la douleur pour tenter de comprendre, d'affronter la conjuration du silence et de l'oubli, et surtout de redonner sens aux mots « justice » et « vérité ».
Amina, une jeune fille jusqu'alors sans histoire, profondément ébranlée par le tremblement de terre survenu dans son pays, décide brusquement de rejoindre la cohorte des victimes du séisme. Elle se défait ainsi de son identité, de ses racines, de sa vie même, et va découvrir, au contact d'une humanité ravagée, au milieu du désordre, de la misère, de la précarité - et de la violence aussi -, des aspects encore inconnus d'elle-même... et de cette même humanité.
Algérie 1830-1962 : pendant 132 ans, madame Lafrance s'est installée sur « ses » terres pour y dispenser ses lumières et y répandre la civilisation, au nom du droit et du devoir des « races supérieures ». Face à elle, l'enfant, sentinelle de la mémoire, va traverser le siècle, témoin à la fois innocent et lucide.
Deux jeunes gens courent vers le port où les attend le passeur à minuit pile...
Mais dans cette nuit, au cours de ce chemin qui les mène vers le bateau dans lequel ils vont embarquer clandestinement, que va-t-il se passer ? Que vont-ils se dire ? Réussiront-ils à...?
À partir d'un fait divers, Maïssa Bey interroge le pourquoi de l'immigration, le refus et l'espoir des jeunes, et là encore, avec subtilité, avec justesse, elle pointe du doigt - et de sa plume - ce qui lui semble inacceptable dans le monde qui est le nôtre aujourd'hui.
"Elle donne, dans un entretien inédit, une explication de ce phénomène : « En Algérie, les passagers clandestins qui cherchent à gagner au péril de leur vie les rives nord de la Méditerranée sont appelés « Harraga » ou brûleurs de frontières. Ces aventuriers des temps modernes n'ont d'autres ressources que leurs rêves, d'autre bien que leur vie qu'ils n'hésitent pas à mettre en jeu. Au paradigme de la peur qui s'installe sur ces rives nord, peur des lendemains, peur de l'autre, peur de la perte de l'intégrité identitaire, peur d'être envahis, répond, sur les rives sud, le paradigme de la désespérance qui permet justement de s'affranchir de la peur, de la dépasser. » En ces heures de repli sur soi et de peur de l'autre, où l'Europe se transforme en forteresse, pour aller au-delà des idées reçues et déconstruire le discours qui fausse la réflexion sur l'émigration, le texte de Maïssa Bey nous propose une formidable occasion de réfléchir sur la désespérance de ces jeunes, sur leur capacité à donner corps à leurs rêves, au mépris du danger.
Nous ne pouvons rester sourds à l'appel de ces jeunes qui rêvent d'une vie qu'ils espèrent plus digne.
Si l'action se situe en Algérie pour ces « harraga », nous pensons qu'à travers les faits et les situations connues dans le monde entier, chaque tentative d'exil devient un drame universel.".
Jocelyne Carmichael, directrice de la Compagnie Théâtr'elles
Au commencement était la mer... Les criques violentes et sauvages découvertes une à une. Des refuges où les mènent leurs échappées. Ils s'y promènent sans crainte. Ils ont oublié, ils oublient - dangereux et merveilleux prodige de l'amour - la peur qui fait se terrer les hommes derrière des murs de plus en plus hauts, de plus en plus fortifiés. Nadia, l'héroïne, jeune, belle, frémissante devant les promesses de la vie et rebelle déjà au destin qu'on lui impose. Salim et ses 15 ans, la petite soeur Fériel, et surtout Djamel le grand frère, sombre, menaçant, enfermé dans une autre histoire. Puis c'est la rencontre avec Karim le faible, l'amour en secret et ses dramatiques conséquences avec, au bout, la mort sous les jets de pierre du grand frère vengeur et gardien de la tradition.
"Je suis votre hôte aujourd'hui. À la fois celle qui est reçue et celle qui accueille. Vous me recevez chez vous et je vous accueille dans ma demeure de mots, au seuil de laquelle je me tiens, portes ouvertes." Qui est Maïssa Bey? Une Algérienne, issue d'une famille musulmane. Et femme, avec toutes les représentations que ce mot peut faire surgir quand il est associé aux précédents.
À notre demande, elle a rédigé cet autoportrait - magnifique -, qui se conclut par une évidence: femme, algérienne et lectrice, Maïssa Bey est aussi, et magistralement, écrivain.
Maïssa Bey vit à Sidi Bel Abbes (Algérie), où elle se consacre à l'écriture. Auteur de nombreux ouvrages, pour la plupart édités à l'Aube, elle a récemment publié Pierre Sang Papier ou Cendre.
Un train aujourd'hui, quelque part en France. Un vieil homme, Français. Une femme - la narratrice -, Algérienne, et Marie, une jolie fille blonde scotchée à son baladeur. La narratrice est plongée dans un livre, dont la lecture va permettre le déclic : elle retrouve là le souvenir de son père tombé sous la torture en 1957.
«En écoutant Maïssa je retrouvais mon père. Pas un écrivain célèbre, non, mon père, un être humain avec sa solitude, son courage et ses déchirements. Et c'était une femme, algérienne, qui dans sa solitude et ses déchirements avait eu le courage d'une si lumineuse intelligence.» Catherine Camus, "Albert Camus et le mensonge", au Centre Beaubourg en 2002. Depuis 2002, Maïssa Bey est invitée dans des colloques sur Camus. Ce magnifique petit recueil, qui ne cesse d'être commandé, a été publié avec deux textes puis trois. Cette fois Maïssa Bey nous offre une quatrième réflexion : "La Première Aurore" qui s'ajoute à "Albert Camus et le mensonge", "Albert Camus et Oran" et, sur la relation de Camus à sa mère, "Femmes au bord de la vie".
Profondément ébranlée par le tremblement de terre survenu dans son pays, Amina, une jeune fille jusqu'alors sans histoire, décide brusquement de rejoindre la cohorte des victimes du séisme.
« J'ai tout simplement envie de dire ma rage d'être au monde, ce dégoût de moi-même qui me saisit à l'idée de ne pas savoir d'où je viens et qui je suis vraiment. De lever le voile sur les silences des femmes et de la société dans laquelle le hasard m'a jetée, sur des tabous, des principes si arriérés, si rigides parfois qu'ils n'engendrent que mensonges, fourberie, violence et malheur. » Maïssa Bey nous parle de petites filles nées de père et - surtout - de mère inconnus. Il s'agit en soi d'un drame absolu, et pourtant ce drame absolu, dans la société algérienne, revêt un caractère plus terrifiant encore... Pour l'auteure, qui veut « d'un trait de colère effacer (son) enfance », l'écriture devient arme et catharsis.
Par le biais d'histoires qui ressemblent à des contes, ces récits permettent de comprendre de l'intérieur ce qui se passe dans les têtes et dans les coeurs en Algérie, pays secoué par le terrorisme à la fin du XXe siècle.
Que peut-il bien se passer dans la tête d'une petite fille qui, un soir, après une colère, ouvre la fenêtre et saute dans le vide ? L'auteure se glisse dans la peau de cette fillette et, le temps d'une représentation, trouve les mots justes pour tenter de dire les peurs, les rêves, la douloureuse lucidité de ces enfants passés de l'autre côté de l'enfance.
« Non, je ne veux pas grandir Je ne veux plus avoir peur Parce que tout au bout de l'enfance, il y a le monde. Le monde des adultes. De ceux qui ont peur Peur pour nous. Peur pour eux.
Peur de tout.... écrit superbement Maïssa Bey prêtant sa voix à cette enfant de neuf ans qui a délibérément préféré rejoindre les étoiles à (bout de) force d'entendre la pensée raisonnable et raisonnante des adultes.
Dans cette « pension de famille » où vivent vieillards, filles mères, débiles ou encore caractériels, survivre est un défi quotidien. En mêlant le récit de sa propre vie avec celui des autres pensionnaires dont elle écoute les confidences, Malika reconstruit l?histoire de la femme en Algérie et s?interroge sur le lent travail d?effacement de la mémoire.
« Maïssa Bey poursuit, avec Cette fille-là, l?histoire intime et politique des femmes algériennes. Peu d?écrivains algériens ont réussi à raconter ces femmes du peuple, oubliées par la Révolution, l?Indépendance, l?Algérie elle-même. C?est la colère qui fait écrire Maïssa Bey. Une colère salutaire. » Leïla Sebbar, Le Magazine littéraire.
« La romancière algérienne Maïssa Bey a su imposer sa voix dans la très masculine bibliothèque des littératures du Maghreb. Elle impose peu à peu son nom et ses murmures comme autant de petites touches d?humanité, comme autant de paroles pour vaincre les non-dits. » Bernard Magnier, RFI.
Cette fille-là a reçu le prix Marguerite-Audoux en 2001.
« Je dois préciser que toute ressemblance avec des personnes ayant existé ou existants n'est pas fortuite. Et mes personnages me semblent aujourd'hui plus familiers et plus proches, presque plus réels que ceux que je côtoie tous les jours. Je me suis attachée à présenter des hommes et des femmes, des femmes surtout, pris dans les rets d'une Histoire qui ne retiendra pas leurs noms. » Tout est dit : des nouvelles des gens d'Algérie qui sont pris dans une histoire qui les dépasse, celle du terrorisme quotidien. Et comme à chaque fois, dans sa dissection implacable de la société algérienne, Maïssa Bey fait preuve d'une profonde humanité.
En ce moment où la Tunisie fait tout pour réussir sa révolution démocratique, l'Algérie paraît encore bien loin de chasser ses vieux démons.
Huis-clos entre deux personnages.
Elle est otage.
Il est gardien.
Elle lui demande du papier pour écrire.
Entre eux va s'établir un dialogue.
Au centre de ce dialogue, l'humain, simplement.
Au-delà du mal.
On retrouve ici la force de l'écriture.
Celle qui repousse les limites de l'enfermement des hommes dans leurs convictions.
Un texte humainement émouvant, d'une actualité urgente, d'une beauté et d'une finesse littéraire limpide.
Yves Bombay, metteur en scène