En 1901, Erik Satie a trente-quatre ans et se retrouve sans ressources ni avenir professionnel. Adepte de la provocation, il s'est fait renvoyer du Conservatoire, avant d'être réformé de l'armée et de devenir gymnopédiste à l'auberge du Chat Noir. Puis il délaisse Montmartre pour une chambre de banlieue sordide où, coincé entre deux pianos désaccordés et quatorze parapluies noirs identiques, il boit autant qu'il compose. En manque d'affection après sa rupture brutale avec la peintre Suzanne Valadon, il envoie des milliers de lettres à ses amis dont il n'ouvre pourtant jamais les réponses. Observateur critique de la société, Satie fut aussi un créateur brillant et fantaisiste : il condamna l'absence d'originalité du monde musical de l'époque, et ce refus des règles lui valut l'incompréhension et le rejet de ses contemporains.
Kate, jeune fille de dix-neuf ans, vit un drame : la mort brutale de son amoureux dans un attentat. Tout pourrait s'arrêter là. Mais ce serait sans compter sa mère, les gens qui l'entourent et la manière dont ce drame résonne en eux, dont ils s'en emparent, dont ils décident que ce sera le leur - et le transforment en traumatisme.
Voici des personnages qui sont comme des poupées russes : chaque membre de la famille de Kate semble en cacher un autre, ou se cacher derrière un autre, les histoires des autres venant hanter la mémoire des uns.
Le roman explore les relations qui lient une famille où il fait bon se taire. La violence rôde mais on ne la voit pas. Si la violence est ici dangereuse, c'est qu'elle passe par le banal ; voilà son déguisement, sa petite excuse, la main tendue d'une mère affirmant porter secours tandis qu'elle étouffe. Kate va suivre les fantômes qui mènent à la possibilité de vivre encore. En affrontant l'emprise de sa mère, en la mettant au jour, elle parvient à faire sauter un à un, cran après cran, les rouages mécaniques de la violence. Pour cela il lui faut cesser d'attendre, pour prendre le risque d'exister.