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« C'est la fin de six années de tâtonnements », écrit Virginia Woolf dans son Journal en juin 1938, « d'efforts, de beaucoup d'angoisses, de quelques extases. » Trois ans avant son suicide, dix ans après l'écriture d'Une pièce à soi, paraît Trois guinées, qui prolonge la réflexion entamée précédemment sur la place accordée aux femmes dans la société et dans la sphère intellectuelle, l'équilibre entre les sexes, la domination masculine.
Construit à l'origine comme un roman-essai incluant le texte de fiction qui deviendra plus tard Les années, Trois guinées est une démonstration brillante qui, sous prétexte de répondre à une question liminaire, « que faire pour prévenir la guerre ? », nous éclaire sur notre propre condition. Nous sommes alors dans le tumulte d'une nouvelle guerre à venir, dans l'antichambre de nouveaux cataclysmes, et Virginia Woolf choisit de mettre en scène sa propre réflexion comme une réponse à une lettre qui lui est soumise. C'est un texte à la portée universelle qui nous est adressé, publié bien en amont de nos parcours actuels mais dont les enjeux demeurent au centre de ce que l'on appelle aujourd'hui les études de genre. Virginia Woolf, qui invoque dans sa réflexion des figures littéraires importantes comme Emily Brontë, H.G. Wells ou Sophocle, nous renvoie à un monde encore aujourd'hui en partie rattaché au nôtre où s'exprime un dilemme majeur : celui des femmes piégées entre un patriarcat qui les étouffe et le modèle capitaliste censé pouvoir les en affranchir.
L'Oeuvre de Woolf est entrée dans le domaine public en 2012, ce qui nous permet aujourd'hui de proposer ce texte essentiel dans une nouvelle traduction de Jean-Yves Cotté, qui poursuit là son travail entamé avec Une pièce à soi. Ici encore, c'est une édition annotée et commentée qui vous est proposée pour pouvoir disposer pour la première fois de ce texte dans des versions couplées numérique et papier en français. Jane Walker l'a écrit dans une lettre envoyée à Virginia Woolf en septembre 1938 : « Trois guinées devrait être entre les mains de toute créature de langue anglaise, homme ou femme ». Jean-Yves Cotté nous guide pour élargir cette recommandation au-delà de la seule langue anglaise.
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Laissez le vent souffler ; laissez le pavot se semer lui-même et l'oeillet s'accoupler avec le chou. Laissez l'hirondelle construire son nid dans le salon, le chardon jaillir du carrelage, le papillon profiter au soleil du tissu fané du fauteuil. Laissez les débris de verre et de porcelaine dormir sur le gazon, et qu'ils s'entortillent d'herbes et de ronces.
Kew Gardens * Le temps passe * Une maison hantée * La Marque sur le mur * Lundi ou mardi * Un roman non écrit * Le Symbole * La Ville d'eau : huit nouvelles comme autant de facettes de Virginia Woolf, proposées ici dans une nouvelle traduction de Christine Jeanney.
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"Mais, me direz-vous, nous vous avons demandé de parler des femmes et de la fiction - quel rapport cela a-t-il avec une pièce à soi ?" On est en octobre 1928, dans un vénérable collège de Cambridge (des collèges féminins). Celle qui parle est une femme de 46 ans, dans la plénitude de son art. L'année d'avant, elle a publié "La promenade au phare", et bientôt arrivera "Les vagues". Et pourtant, comment, dans la profondeur et la radicalité de cette pensée qui ici se dresse contre l'obscurité d'une société, ne pas avoir au fond de soi l'image de celle qui en 1941 se lestera sa robe de galets noirs pour se suicider dans la rivière Ouse, parce qu'il lui semble que c'est la seule échappatoire contre la folie ?
C'est à cette plénitude et cette maîtrise d'une des plus hautes écrivains du monde anglophone d'une part, de la littérature du XXe siècle d'autre part, qu'il faut mesurer l'importance de cet essai qui fait littéralement trembler l'ordre occidental: une revendication toute modeste, une pièce pour soi toute seule, "A room of one's own", peut déplacer toute la balance des sexes, de la société, de la place faite aux artistes femmes, tout simplement qu'elles soient. Longtemps connu sous le titre "Une chambre à soi", les premières traductions cassaient cette première revendication. Ici, où on croisera Marcel Proust aussi bien que Shakespeare et Jane Austen, c'est la langue qui bouge les mondes, et ouvre à la pensée neuve. Texte ébouissant, qu'il faut honorer comme littérature. Entrée dans le domane public en 2012, ce travail redevient permis. Jean-Yves Cotté ne se contente pas de revisiter le rythme, la syntaxe, et tout ce qu'on a appris de Virginia Woolf, ou bien de ce qu'elle nous a appris. Cette reprise et recréation du texte est ici accompagnée d'un appareil de notes et commentaires qui se poursuivra aisément sur vos tablettes et liseuses. "J'aime souvent les femmes. J'aime leur anticonformisme. J'aime leur complétude. J'aime leur anonymat..." Aucun de nous qui puisse se dispenser de suivre Virginia Woolf sur un chemin qui reste chaque jour à reprendre, à refaire. FB