La mandarine c'est certain, c'est l'Orient. Mais pour moi, c'est avant tout Nogent, Nogent-en-Bassigny. Une des capitales françaises de la coutellerie. C'est là-bas que M. Slobbes, nous apprit à lire, à écrire, à compter, à jouer au ballon et découvrir les goûts du monde. C'est en classe de CP que j'ai mangé ma première tomate et découvert la figue séchée. C'est dans cette ville qui me faisait l'effet d'une métropole que, suivant ses pas, je suis tombé amoureux de la mandarine. J'ai aimé tout de suite ce goût que je ne connaissais pas. J'ai aimé suçoter ses pépins. J'ai aimé surtout l'attendre, au plus froid de l'hiver ce fruit chaud du soleil.
Tout, tout, tout, vous saurez tout sur le zizist. Aucune autre famille de fruits ne connaît une telle pluralité de goûts, tailles, formes et couleurs que les agrumes. Leurs points communs sont surtout anatomiques : l'écorce est formée de deux couches : la première, colorée et chargée d'huiles essentielles, est celle que l'on appelle zeste en cuisine, et la seconde, appelée albédo ou zist, est blanche, plus ou moins épaisse et spongieuse selon les variétés. À l'intérieur de la peau se cache la pulpe, organisée en quartiers eux-mêmes séparés en petites vésicules joliment nommées «poils à jus», «sacs à jus» ou «poils succulents» - de l'anatomie, donc. L'orange, le plus familier des agrumes, se décline elle-même en plusieurs variétés. Chacun de ses composants possède des vertus culinaires et condimentaires, et tous peuvent être utilisés de plusieurs façons (crus, cuits, pressés, confits, râpés, séchés, glacés, infusés...). On pressent alors l'étendue de la palette aromatique et chromatique qui s'offre aux cuisiniers, entre douceur, acidité et amertume.
Un petit manuel de savoir assembler car, en matière d'accords, il en va souvent comme dans les relations amoureuses. La plupart du temps l'un (ou l'une) domine l'autre ou dans le meilleur des cas la (ou le) met en valeur. Et puis il y a ces moments magiques où les deux se trouvent juste en face/phase, se révélant l'un l'autre, ou pour reprendre une métaphore tauromachique, lorsque taureau et torero s'accordent sur le même rythme, en « s'accouplant. » Dans ce cas, un plus un ne font plus deux, mais trois dans cette réalité gustative augmentée qu'est un accord réussi. En se replongeant dans les chroniques sur les accords majeurs du cognac, écrites pour le magazine En Magnum Jean Dusaussoy a souhaité montrer le cognac à table, de l'entrée au dessert, en dix façons. Et même si des producteurs ou des chefs seront associés à chacun des accords, tous ayant été testés lors d'ateliers, l'idée n'était pas de faire un livre de recettes, mais d'ouvrir le champ des possibles gustatifs afin que les gourmets s'emparent du cognac au-delà des befores et afters.
C'est un canard tête de lard, susceptible et revanchard. C'est un canard ancestral voué aux gémonies et quasi disparu des élevages. Je parle ici du canard de barbari, dit le marin. Quelle ingratitude. Sa chair persillée incomparable, son foie d'une finesse et d'une douceur des meilleurs miels ne seront bientôt plus qu'un vague souvenir pour paysan esseulé aux confins d'une Landes aveuglément tournée vers l'océan et ses terribles tourments. Je vais donc vous délivrer les diverses certitudes culinaires que cet amiral de légende nous offre, car voyezvous, si dans le cochon tout est bon, dans le canard tout est art.
La France est réputée pour ses fonds de sauce et ses jus. Réduits, sirupeux, collants, nappants... c'est un gage de qualité que recherche le cuisinier lorsqu'il va dîner au restaurant. Sapide et droit, le jus souligne le caractère d'une assiette d'un coup de cuillère en fin de dressage. C'est une véritable valeur ajoutée, un concentré de goût, la quintessence du gibier, la caramélisation liquide de la volaille, figés dans la chaleur réconfortante du collagène. Étant tombée dans la marmite quand j'étais petite, le jus ne cesse de frémir sur un coin de piano, enrobant « la femme du boucher » d'une odeur familière. C'est aujourd'hui la base de ma cuisine, le salut de mes plats, et la touche finale sans laquelle j'ai un goût d'inachevé. Le maigre résultat obtenu après de longues heures de cuisson le rendent de plus en plus rare. Faites donc chanter vos fourneaux au beurre noisette et ne jetez plus vos os! Le jus, c'est aussi le souvenir olfactif d'un dimanche en famille, l'amour maternel qui réchauffe le coeur au son du poulet rôti qui crépite au four.
En fin d'automne, respirer l'intense parfum acidulé, évoluant entre mandarine et pamplemousse de la peau du yuzu transporte instantanément au pays du soleil levant. Emblématique de la culture japonaise par sa saisonnalité, cet agrume offre de multiples utilisations -de l'art de vivre à la gastronomie-. Point n'est besoin désormais de voyager au Japon pour le découvrir, le sentir, et le cuisiner, il est cultivé en France et dans les pays du Sud, et a même fait son entrée dans le dictionnaire Larousse en 2016. Dans ce nouvel opus, je propose des recettes simples pour savourer ses puissants arômes .
Avoir grandi dans le Parc naturel Régional du Morvan vous fait forcément avoir un rapport particulier avec l es sapins. Notre belle contrée en est garnie. Alors il allait de soit pour moi de grignoter tout au long de l'année des petits bouts de paysages Morvandiaux. Pickles, grillades et autres gourmandises végétales qui feront le plaisir des petits comme des grands. Et autant vous prévenir tout de suite, ça va sentir le sapin dans les cuisines...
Soufflé, éclaté, grillé, pilé, moulu, de la farine traditionnelle en passant par le grain très fun du pop-corn, il est l'ingrédient multifacette par excellence. Son mode de culture décrié en a fait l'emblème d'un système alimentaire à la dérive, mais pourtant le maïs reste la première céréale consommée au monde. En Amériques, il règne en maitre sur la cuisine et il a quelque peu bouleversé mes convictions. Je me suis alors intéressé de plus près à son histoire. Dix recettes, entre Europe et Amériques. Un exercice culinaire qui nous incite au questionnement pour nous réconcilier avec cet ingrédient chargé d'histoire et d'exotisme. Un hommage à toute les civilisations amérindiennes, ces peuples du maïs, fort d'un héritage sacrée qu'il ne faut surtout pas oublier.
Le tahini, c'est d'abord une histoire de texture : pur, il colle à la cuillère et au palais. Émulsionné avec de l'eau et quelques gouttes de citron, il devient crémeux, avec un petit goût noisette de reviens-y. T'y trempes un doigt, tu termines le bol. Le tahini au Moyen-Orient, c'est un peu comme de la mayonnaise. T'en mets un peu partout parce que ce sera forcément bon. Cette purée de sésame écrasé s'accorde aussi bien avec des crudités, des légumes au four, une viande ou du poisson... que sur une tartine de pain avec du miel, de la mélasse de grenade ou de caroube. Selon les traditions et les goûts, elle accompagne, assaisonne, enveloppe, exhausse, adoucit, tranche... Au Moyen-Orient, tout placard de cuisine recèle un pot de tahini. Comme le sumac, je l'ai véritablement découvert à Jérusalem. J'en ai retrouvé dans divers plats. Dans une saladede feuilles fraîches de zaatar, dans le caviar d'aubergine, gratiné sur un chou-fleur rôti et même en glace... Désormais, impossible de m'en passer.
Il y a des souvenirs d'enfance qui nous marquent sans aucune raison. J'avais 6 ou 7 ans, et j'ai accompagné mon père au marché Levinsky, dans le sud de Tel-Aviv. Ce marché aux épices, devenu depuis l'un des quartiers les plus branchés de la ville, ressemblait à l'époque un gros dépotoir avec une ambiance très joyeuse. Entre les échoppes poussiéreuses vendant des épices en vrac, les vastes magasins éclairés aux néons éblouissants, proposants une variété inimaginable de fruits secs, les petits kiosques servants des borek et des oeufs durs, mes yeux d'enfant étaient pleins d'étoiles. Dans une des échoppes, je me retrouve fasciné par des objets bizarres... contenus dans un grand sac en jute, des balles de ping-pong noirâtres, un peu difformes. Je venais de découvrir le citron noir. Le citron noir est un de ces produits magiques, tout comme le shoyu, le parmesan ou le nori. Ce concentré d'umami peut élevé la moindre préparation à des hauteurs inespérées, et il n'est point surprenant que c'est un de produits fétiches de la cuisine iranienne.
C'est à nouveau une histoire de bactérie ! Le miso résulte de l'affinage de soja et autres céréales et de riz fermenté par adjonction de Aspergillus Oryzae. Comme pour les autres ingrédients qui émergent des antres de la planète Terre sur les tables contemporaines, bière, pain ou kimchi, le miso appartient à l'histoire de la nourriture. Ce breuvage est constitué d'une pâte délayée dans le bouillon matrice de la cuisine japonaise, le dashi... Les Occidentaux avalent leur bol de miso sans vraiment en connaître la matière première. Depuis mon premier svoyage au Japon en 1993, je me le suis approprié au fil de l'évolution de ma cuisine. Je l'utilise quotidiennement comme condiment à tout faire.
Originaire du Bassin Méditerranéen et apprécié depuis l'Antiquité, l'origan, origanum vulgare, cousin de la marjolaine avec qui il partage de nombreuses caractéristiques et avec qui il est souvent confondu, est particulièrement utilisé dans la cuisine italienne mais aussi, provençale, grecque, portugaise, marocaine, mexicaine et pilier de la cuisine levantine avec le zaatar, dont il est indissociable. Son arôme puissant épicé et balsamique, presque camphré, s'intensifie avec le séchage. À l'état frais, il s'enrichit d'agréables notes herbacées plus délicates. Une odeur si familière à la cuisine italienne qui nous fait plonger directement dans la sauce tomate.
La crevette est la bestiole la plus agitée de la création, elle marche et nage non seulement d'avant en arrière, mais aussi sur le ventre et sur le dos ; elle saute à plusieurs fois sa hauteur et elle plonge tout aussi bien qu'elle sait rester immobile, en mimétisme pour échapper aux prédateurs... Dans ces pages, ce sont les incomparables qualités gastronomiques de ce crustacé qui sont mises en exergue. Toute la planète mange des crevettes. Un animal aussi universel se prête à de nombreuses préparations, des plus simples aux plus élaborées, ces dix façons en sont un florilège.
Il y a tellement longtemps que le cacaoyer est apparu sur Terre que plus personne ne s'en souvient. C'était bien avant que les premiers hommes arrivent, probablement en Haute-Amazonie, en pleine forêt tropicale chaude et humide ! Difficile de dire quand et comment les hommes eurent l'idée d'utiliser les graines de la cabosse dans leurs préparations. Au fil du temps, les chocolats ont pris des formes et des compositions différentes mais j'ai décidé dans ce nouvel ouvrage, j'ai souhaité me concentrer sur le chocolat noir. Pourquoi ? D'abord, c'est celui que je préfère ! et je ne suis pas la seule, car, il est bien le chocolat préféré des français. Ces dernières années, les amateurs plébiscitent des tablettes de moins en moins sucrées, donc à teneurs en cacao de plus en plus fortes...
Le garam masala est un condensé du parfum de l'Inde en cuisine. Ce qui frappe lorsqu'on le découvre est sa douceur et sa sophistication. Il se distingue de ses cousins les currys revisités par les anglais. Beena Paradin, originaire du Kerala s'est penchée sur la recette traditionnelle. Ce mélange, à base de poivre, né au nord de l'Inde, a littéralement conquis toute l'Inde. Garam Masala veut dire mélange d'épices chaud. Il est utilisé au quotidien en Inde pour parfumer de façon envoûtante toute sorte de plats : légumes sautés, curry, viande...
Les feuilles de thé laissées dans la théière après l'infusion m'ont toujours inspirée un profond respect et donné envie de les cuisiner. En effet, cultivées avec le plus grand soin par les producteurs, elles sont le reflet gastronomique, varié, des terroirs de multiples pays et méritent bien une seconde vie. Ma rencontre avec Lydia Gautier, expert-thé, ainsi que ses conseils précieux, m'ont permis d'affiner au cours de dégustations, ces recettes salées et sucrées, d'associer au plus juste, le cru de thé et son ingrédient.
Boire et manger le thé, ou comment se régaler deux fois avec la même plante.
La banane a mille facettes. C'est un fruit ou un légume, une coupe de cheveux, une pochette ventrale très à la mode dans les années 1980, une mauvaise note à une interro mais aussi, une personne naïve, un grand sourire... Ce fruit, plébiscité dans de nombreux foyers français avec une consommation qui dépasse les 10 kg par personne et par an. Un peu comme dans le cochon, tout est bon dans la banane et le bananier.
J'ai convié, Kévin Sciessère, jeune artisan boulanger pâtissier vendéen, à me rejoindre dans cette aventure.
Il propose deux recettes sucrées inédites. Une agréable et gourmande collaboration !
« La Polenta» est le premier titre que j'ai écrit dans la collection « dix façons de préparer». Auteure alors débutante, je me suis lancée timidement dans l'élaboration de recettes pour un public de lecteurs, cela malgré mon passé de cuisinière bien rodée et une puissante envie d'écrire. Aujourd'hui, 8 ans et près de 15 titres plus tard, plus à l'aise et soucieuse de donner un maximum d'informations pour un résultat optimal, j'ai eu envie de revoir ce premier titre que j'affectionne tout particulièrement. J'ai eu envie de l'enrichir davantage et de partager des nouvelles et gourmandes recettes expérimentées entre temps. J'espère que le résultat vous plaira.
Il n'est pas nécessaire d'être un « pro » du fourneau pour préparer une polenta, le seul ingrédient à ajouter à la farine, l'eau et le sel, c'est la patience. 45 minutes devant la marmite à tourner la préparation pour en assurer la parfaite cuisson sans grumeaux et lui conférer un bel aspect lisse et crémeux.
Sous ce vocable désuet et enchanteur on devine de vieilles photographies sépia de déjeuners sur l'herbe, une plage ou dans la neige, partagés avec des enfants, la famille et des amis. On enveloppe le gâteau de voyage précieusement dans un joli torchon ou une boîte en fer blanc et on le cale correctement dans son sac ou son panier avant de partir en balade. Promesse d'un dessert simple mais savoureux, le gâteau de voyage a le bon goût de se conserver plusieurs jours sans s'abîmer ni perdre ses qualités gustatives. Il n'obéit pas aux saisons ni aux injonctions mais nous invite et au partage et c'est bien là l'essentiel.
C'est un fromage un peu rebelle. Au XIIIe siècle, les paysans de la vallée de Thônes pratiquaient une traite incomplète, pour diminuer la redevance à acquitter aux moines et aux nobles propriétaires des prairies, basée sur le nombre de pots de laits produits. Une fois le contrôle terminé, la seconde traite était réalisée en douce. Appelée « rebloche » en patois, elle donnait un lait très riche en crème, bientôt transformé en reblochon... Aujourd'hui, cet ex-fromage clandestin est une vraie star montagnarde, bien souvent adulée en tartiflette. Pourtant, sa texture onctueuse, ses notes de noisette et son goût sauvage voient plus loin que les patates et les lardons. Le puissant ingrédient s'accorde parfaitement avec les pommes, les noix, les champignons et tout un tas de légumes. Avec, toujours, cette exquise saveur d'alpages !
Qu'elles soient du Mans, de Tours parfumées au Vouvray, comtoises légèrement fumées, de Connerré, de canard, de cochon, d'oie... qu'elles s'invitent aux apéros entre copains, en pique-nique familial ou dans les soirées chics : les rillettes, c'est convivial ! Tout chez elles n'est que douceur, délicatesse, élégance, finesse.
C'est un vrai produit de beauté intérieure qui se voit à l'extérieur. Tentez l'expérience. Déposez un beau morceau de rillettes sur un petit bout de pain (surtout n'étalez pas finement, malheureux !). Déposez délicatement dans votre bouche et laissez fondre quelques secondes les rillettes au contact de votre palais : tout d'un coup vos traits du visage se détendent.
En boucherie, la poitrine est l'ensemble des morceaux appartenant à la cage thoracique d'un animal, plus ou moins rattachées au sternum. Concernant les attributs strictement femelles, cela va de mal en pis (forcément), puisque la tétine est reléguée chez les tripiers, au rang des abats au même titre que les rognons et les couilles. Un peu comme s'il fallait cacher ce sein, sans lequel pourtant il n'y aurait aucun mammifère sur terre, vous et moi compris. Je commence donc ces « dix façons de préparer » par un retour en grâce de cette paire éternelle. Ensuite, le choix est immense, tous les animaux ont une poitrine, y compris les oiseaux et les poissons qui certes, ne connaissent pas le château de mammaire, mais ils fournissent de fabuleux morceaux à apprêter. À coeur vaillant, rien d'incomestible.
Ah ça, on les convoque les souvenirs d'enfance quand on parle de cuisine. Et là, c'est certain la langue y occupe une place privilégiée. Mais pas au panthéon. La langue c'est souvent avant tout, des souvenirs de cantines, de ceux qui impriment pour longtemps une mémoire du dégout. Tiens, il y a presque quelques chose d'initiatique dans la réapropriation de cet organe, du palais de l'enfant à celui de l'adulte. Ce n'est rien, il est à la fois essentiel au goût et à la parole. Alors vous verrez, il fallait être au moins deux pour vous raconter cette histoire. On remontera au déluge et on filera de Lisieux à Hanoï, en passant par Kfar Masaryk. Un compagnonnage sensible.
Issu de l'os du jarret, l'os à moelle est un plat d'une grande finesse gastronomique. Réputé pour son goût subtil, ses amateurs en raffolent et à juste titre. La consistance est, pour certains, un obstacle à sa dégustation...
Dans les cuisines de Sonia Ezgulian, l'os à moelle ne se cantonne pas à parfumer le bouillon du pot-au-feu ou à s'étaler sur un toast grillé avec un peu de gros sel. Non, il voyage à travers les recettes d'ailleurs, trône au milieu d'un couscous, s'acoquine avec des citrons et des feuilles de vigne farcis, accueille un escargot habillé de gingembre.