La philosophie politique et la psychanalyse ont en partage un problème essentiel à la vie des hommes et des sociétés, ce mécontentement sourd qui gangrène leur existence. Certes, l'objet de l'analyse reste la quête des origines, la compréhension de l'être intime, de ses manquements, de ses troubles et de ses désirs. Seulement il existe ce moment où savoir ne suffit pas à guérir, à calmer, à apaiser. Pour cela, il faut dépasser la peine, la colère, le deuil, le renoncement et, de façon plus exemplaire, le ressentiment, cette amertume qui peut avoir notre peau alors même que nous pourrions découvrir son goût subtil et libérateur.L'aventure démocratique propose elle aussi la confrontation avec la rumination victimaire. La question du bon gouvernement peut s'effacer devant celle-ci:que faire, à quelque niveau que ce soit, institutionnel ou non, pour que cette entité démocratique sache endiguer la pulsion ressentimiste, la seule à pouvoir menacer sa durabilité? Nous voilà, individus et État de droit, devant un même défi:diagnostiquer le ressentiment, sa force sombre, et résister à la tentation d'en faire le moteur des histoires individuelles et collectives.
«Comment la femme fait-elle l'apprentissage de sa condition, comment l'éprouve-t-elle, dans quel univers se trouve-t-elle enfermée, quelles évasions lui sont permises, voilà ce que je chercherai à décrire. Alors seulement nous pourrons comprendre quels problèmes se posent aux femmes qui, héritant d'un lourd passé, s'efforcent de forger un avenir nouveau. Quand j'emploie les mots "femme" ou "féminin" je ne me réfère évidemment à aucun archétype, à aucune immuable essence ; après la plupart de mes affirmations il faut sous-entendre "dans l'état actuel de l'éducation et des moeurs". Il ne s'agit pas ici d'énoncer des vérités éternelles mais de décrire le fond commun sur lequel s'élève toute existence féminine singulière.» Simone de Beauvoir.
« Nous commencerons par discuter les points de vue pris sur la femme par la biologie, la psychanalyse, le matérialisme historique. Nous essaierons de montrer ensuite positivement comment la "réalité féminine" s'est constituée, pourquoi la femme a été définie comme l'Autre et quelles en ont été les conséquences du point de vue des hommes. Alors nous décrirons du point de vue des femmes le monde tel qu'il leur est proposé ; et nous pourrons comprendre à quelles difficultés elles se heurtent au moment où, essayant de s'évader de la sphère qui leur a été jusqu'à présent assignée, elles prétendent participer au mitsein humain. » Simone de Beauvoir.
«L'existentialisme n'est pas autre chose qu'un effort pour tirer toutes les conséquences d'une position athée cohérente. Elle ne cherche pas du tout à plonger l'homme dans le désespoir. Mais si l'on appelle, comme les chrétiens, désespoir toute attitude d'incroyance, elle part du désespoir originel. L'existentialisme n'est pas tellement un athéisme au sens où il s'épuiserait à démontrer que Dieu n'existe pas. Il déclare plutôt : même si Dieu existait, ça ne changerait rien ; voilà notre point de vue. Non pas que nous croyions que Dieu existe, mais nous pensons que le problème n'est pas celui de son existence ; il faut que l'homme se retrouve lui-même et se persuade que rien ne peut le sauver de lui-même, fût-ce une preuve valable de l'existence de Dieu. En ce sens, l'existentialisme est un optimisme, une doctrine d'action.»
« Deux siècles de révolte, métaphysique ou historique, s'offrent justement à notre réflexion. Un historien, seul, pourrait prétendre à exposer en détail les doctrines et les mouvements qui s'y succèdent. Du moins, il doit être possible d'y chercher un fil conducteur. Les pages qui suivent proposent seulement quelques repères historiques et une hypothèse de lecture. Cette hypothèse n'est pas la seule possible ; elle est loin, d'ailleurs, de tout éclairer. Mais elle explique, en partie, la direction et, presque entièrement, la démesure de notre temps. L'histoire prodigieuse qui est évoquée ici est l'histoire de l'orgueil européen. »
« Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux : c'est le suicide. » Avec cette formule foudroyante, qui semble rayer d'un trait toute la philosophie, un jeune homme de moins de trente ans commence son analyse de la sensibilité absurde. Il décrit le « mal de l'esprit » dont souffre l'époque actuelle : « L'absurde naît de la confrontation de l'appel humain avec le silence déraisonnable du monde. »
L'homme se tient sur une brèche, dans l'intervalle entre le passé révolu et l'avenir infigurable. Il ne peut s'y tenir que dans la mesure où il pense, brisant ainsi, par sa résistance aux forces du passé infini et du futur infini, le flux du temps indifférent.
Chaque génération nouvelle, chaque homme nouveau doit redécouvrir laborieusement l'activité de pensée. Longtemps, pour ce faire, on put recourir à la tradition. Or nous vivons, à l'âge moderne, l'usure de la tradition, la crise de la culture.
Il ne s'agit pas de renouer le fil rompu de la tradition, ni d'inventer quelque succédané ultra-moderne, mais de savoir s'exercer à penser pour se mouvoir dans la brèche.
Hannah Arendt, à travers ces essais d'interprétation critique - notamment de la tradition et des concepts modernes d'histoire, d'autorité et de liberté, des rapports entre vérité et politique, de la crise de l'éducation -, entend nous aider à savoir comment penser en notre siècle.
«Tant d'Auteurs célèbres ont traité des maximes du Gouvernement et des règles du droit civil, qu'il n'y a rien d'utile à dire sur ce sujet qui n'ait été déjà dit. Mais peut-être serait-on mieux d'accord, peut-être les meilleurs rapports du corps social auraient-ils été plus clairement établis, si l'on eût commencé par mieux déterminer sa nature. C'est ce que j'ai tenté de faire dans cet écrit. Il n'est donc point ici question de l'administration de ce corps mais de sa constitution. Je le fais vivre et non pas agir. Je décris ses ressorts et ses pièces, je les arrange à leur place. Je mets la machine en état d'aller ; d'autres plus sages en règleront les mouvements».
Jean-Jacques Rousseau.
En décembre 1934, simone weil entre comme " manoeuvre sur la machine " dans une usine.
Professeur agrégé, elle ne se veut pas " en vadrouille dans la classe ouvrière ", mais entend vivre la vocation qu'elle sent être sienne : s'exposer pour découvrir la vérité. car la vérité n'est pas seulement le fruit d'une pensée pure, elle est vérité de quelque chose, expérimentale, " contact direct avec la réalité ".
Ce sera donc l'engagement en usine, l'épreuve de la solidarité des opprimés - non pas à leurs côtés, mais parmi eux.
L'établissement en usine, comme, plus tard, l'engagement aux côtés des anarchistes espagnols ou encore dans les rangs de la france libre, est la réponse que simone weil a trouvée au mensonge de la politique, notamment celle des dirigeants bolcheviks qui prétendaient créer une classe ouvrière libre, alors qu'aucun " n'avait sans doute mis le pied dans une usine et par suite n'avait la plus faible idée des conditions réelles qui déterminent la servitude ou la liberté des ouvriers ".
Ce qui, toujours, a fait horreur à simone weil dans la guerre, qu'elle soit mondiale ou de classes, " c'est la situation de ceux qui se trouvent à l'arrière ".
Guy Debord (1931-1994) a suivi dans sa vie, jusqu'à la mort qu'il s'est choisie, une seule règle. Celle-là même qu'il résume dans l'Avertissement pour la troisième édition française de son livre La Société du Spectacle :
«Il faut lire ce livre en considérant qu'il a été sciemment écrit dans l'intention de nuire à la société spectaculaire. Il n'a jamais rien dit d'outrancier.»
La question : « Comment des sociétés ont-elles disparu dans le passé ? » peut aussi se formuler : « Au rythme actuel de la croissance démographique, et particulièrement de l'augmentation des besoins économiques, de santé et en énergie, les sociétés contemporaines pourront-elles survivre demain ? » La réponse se formule à partir d'un tour du monde dans l'espace et dans le temps - depuis les sociétés disparues du passé (les îles de Pâques, de Pitcairn et d'Henderson ; les Indiens mimbres et anasazis du sud-ouest des États-Unis ; les sociétés moche et inca ; les colonies vikings du Groenland) aux sociétés fragilisées d'aujourd'hui (Rwanda, Haïti et Saint-Domingue, la Chine, le Montana et l'Australie) en passant par les sociétés qui surent, à un moment donné, enrayer leur effondrement (la Nouvelle-Guinée, Tipokia et le Japon de l'ère Tokugawa).
De cette étude comparée, et sans pareille, Jared Diamond conclut qu'il n'existe aucun cas dans lequel l'effondrement d'une société ne serait attribuable qu'aux seuls dommages écologiques. Plusieurs facteurs, au nombre de cinq, entrent toujours potentiellement en jeu : des dommages environnementaux ; un changement climatique ; des voisins hostiles ; des rapports de dépendance avec des partenaires commerciaux ; les réponses apportées par une société, selon ses valeurs propres, à ces problèmes.
Cette complexité des facteurs permet de croire qu'il n'y a rien d'inéluctable aujourd'hui dans la course accélérée à la dégradation globalisée de l'environnement. Une dernière partie recense, pour le lecteur citoyen et consommateur, à partir d'exemples de mobilisations réussies, les voies par lesquelles il peut d'ores et déjà peser afin que, dans un avenir que nous écrirons tous, le monde soit durable et moins inéquitable aux pauvres et démunis.
" L'apparition des sciences et de l'esprit scientifique représente un bouleversement intellectuel et moral qui exige d'être pensé philosophiquement ; et l'intérêt majeur d'une lecture du Discours est de nous montrer que l'idée moderne de la science et l'esprit scientifique relèvent d'une philosophie. " Alain Chauve (conclusion du commentaire).
La diversité des cultures, la place de la civilisation occidentale dans le déroulement historique et le rôle du hasard, la relativité de l'idée de progrès, tels sont les thèmes majeurs de Race et histoire. Dans ce texte écrit dans une langue toujours claire et précise, et sans technicité exagérée, apparaissent quelques-uns des principes sur lesquels se fonde le structuralisme.
«Les vieillards sont-ils des hommes ? À voir la manière dont notre société les traite, il est permis d'en douter. Elle admet qu'ils n'ont ni les mêmes besoins ni les mêmes droits que les autres membres de la collectivité puisqu'elle leur refuse le minimum que ceux-ci jugent nécessaire ; elle les condamne délibérément à la misère, aux taudis, aux infirmités, à la solitude, au désespoir. Pour apaiser sa conscience, ses idéologues ont forgé des mythes, d'ailleurs contradictoires, qui incitent l'adulte à voir dans le vieillard non pas son semblable mais un autre. Il est le Sage vénérable qui domine de très haut ce monde terrestre. Il est un vieux fou qui radote et extravague. Qu'on le situe au-dessus ou en dessous de notre espèce, en tout cas on l'en exile. Mais plutôt que de déguiser la réalité, on estime encore préférable de radicalement l'ignorer : la vieillesse est un secret honteux et un sujet interdit. Quand j'ai dit que j'y consacrais un livre, on s'est le plus souvent exclamé : "Quelle idée ! C'est triste ! C'est morbide !" C'est justement pourquoi j'ai écrit ces pages. J'ai voulu décrire en vérité la condition de ces parias et la manière dont ils la vivent, j'ai voulu faire entendre leur voix ; on sera obligé de reconnaître que c'est une voix humaine. On comprendra alors que leur malheureux sort dénonce l'échec de toute notre civilisation : impossible de le concilier avec la morale humaniste que professe la classe dominante. Celle-ci n'est pas seulement responsable d'une "politique de la vieillesse" qui confine à la barbarie. Elle a préfabriquée ces fins de vie désolées ; elles sont l'inéluctable conséquence de l'exploitation des travailleurs, de l'atomisation de la société, de la misère d'une culture réservée à un mandarinat. Elles prouvent que tout est à reprendre dès le départ : le système mutilant qui est le nôtre doit être radicalement bouleversé. C'est pourquoi on évite si soigneusement d'aborder la question du dernier âge. C'est pourquoi il faut briser la conspiration du silence : je demande à mes lecteurs de m'y aider.» Simone de Beauvoir.
La philosophie, comme on sait ou croit savoir, parle grec, allemand et sans doute français, mais certainement pas babylonien ou sanskrit. L'Inde a été exclue du champ de la philosophie «proprement dite» vers la fin du XVIII? siècle. Depuis, des générations d'indianistes ont plaidé en vain pour la révision d'un procès mal instruit. Il est temps de congédier les clichés qu'entretient l'Occident sur l'Inde ancienne, censément trop absorbée par sa religiosité pour donner prise au concept. Vincent Eltschinger et Isabelle Ratié ont choisi de diriger l'attention moins sur les traditions doctrinales que sur un choix de problèmes montrant les philosophes et les écoles à l'oeuvre, défendant leurs positions sur un mode polémique. L'accent placé sur ces points de cristallisation du débat indien - soi, autrui, monde et conscience, perception et vérité, rationalité et religion, langage, Dieu, etc. - constitue l'originalité de l'ouvrage, qui donne à comprendre la philosophie indienne pour ce qu'elle est, dans son contexte, et non par comparaison, ce qui la priverait de son sens et de sa force.
«Je conçois dans l'Espece humaine deux sortes d'inégalité ; l'une que j'appelle naturelle ou Phisique, parce qu'elle est établie par la Nature, et qui consiste dans la différence des âges, de la santé, des forces du Corps, et des qualités de l'Esprit, ou de l'Ame ; L'autre qu'on peut appeler inégalité morale, ou politique, parce qu'elle dépend d'une sorte de convention, et qu'elle est établie, ou du moins autorisée par le consentement des Hommes. Celle-ci consiste dans les differents Privileges, dont quelques-uns jouissent, au préjudice des autres, comme d'être plus riches, plus honorés, plus Puissans qu'eux, ou mêmes de s'en faire obéïr».
Jean-Jacques Rousseau.
" Toute philosophie qui assigne à la paix une place plus élevée qu'à la guerre, toute éthique qui développe une notion négative du bonheur, toute métaphysique et toute physique qui prétendent connaître un état définitif quelconque, toute aspiration, de prédominance esthétique ou religieuse, à un à-côté, à un au-delà, à un en-dehors, à un au-dessus-de, autorisent à se demander si la maladie n'était pas ce qui inspirait le philosophe (...) J'en suis encore à attendre la venue d'un philosophe médecin qui un jour aura le courage d'oser avancer la thèse : en toute activité plilosophique il ne s'agissait jusqu'alors absolument pas de trouver la " vérité ", mais de quelque chose de tout à fait autre, disons de santé, d'avenir, de croissance, de puissance, de vie... "
« Aucune volupté ne surpasse celle qu'on éprouve à l'idée qu'on aurait pu se maintenir dans un état de pure possibilité. Liberté, bonheur, espace - ces termes définissent la condition antérieure à la malchance de naître. La mort est un fléau quelconque ; le vrai fléau n'est pas devant nous mais derrière. Nous avons tout perdu en naissant.
Mieux encore que dans le malaise et l'accablement, c'est dans des instants d'une insoutenable plénitude que nous comprenons la catastrophe de la naissance. Nos pensées se reportent alors vers ce monde où rien ne daignait s'actualiser, affecter une forme, choir dans un nom, et, où, toute détermination abolie, il était aisé d'accéder à une extase anonyme.
Nous retrouvons cette expérience extatique lorsque, à la faveur de quelque état extrême, nous liquidons notre identité et brisons nos limites. Du coup, le temps qui nous précède, le temps d'avant le temps, nous appartient en propre, et nous rejoignons, non pas notre figure, qui n'est rien, mais cette virtualité bienheureuse où nous résistions à l'infâme tentation de nous incarner. »
«La modernité a tout remis en question.Notre époque, avec ses besoins de précision, de vitesse, d'énergie, de fragmentation de temps, de diffusion dans l'espace, bouleverse non seulement l'aspect du paysage contemporain, mais encore, en exigeant de l'individu de la volonté, de la virtuosité, de la technique, elle bouleverse aussi sa sensibilité, son émotion, sa façon d'être, de penser, d'agir, tout son langage, bref, la vie.Cette transformation profonde de l'homme d'aujourd'hui ne peut pas s'accomplir sans un ébranlement général de la conscience et un détraquement intime des sens et du coeur:autant de causes, de réactions, de réflexes qui sont le drame, la joie, l'orgueil, le désespoir, la passion de notre génération écorchée et comme à vif.»Aujourd'hui est à Blaise Cendrars ce que le Manifeste du surréalisme est à André Breton, une profession de foi, un art poétique et une proclamation à la face du monde entier.
J'étudie dans cet ouvrage le mode de production capitaliste et les rapports de production et d'échange qui lui correspondent. II ne s'agit point ici du développement plus ou moins complet des antagonismes sociaux qu'engendrent les lois naturelles de la production capitaliste, mais de ces lois elles-mêmes, des tendances qui se manifestent et se réalisent avec une nécessité de fer. Au premier abord, la marchandise nous est apparue comme quelque chose à double face, valeur d'usage et valeur d'échange. Ensuite nous avons vu que tous les caractères qui distinguent le travail productif de valeurs d'usage disparaissent dès qu'il s'exprime dans la valeur proprement dite. J'ai le premier mis en relief ce double caractère du travail représenté dans la marchandise. Tant qu'elle est bourgeoise, c'est-à-dire tant qu'elle voit dans l'ordre capitaliste, non une phase transitoire du progrès historique, mais bien la forme absolue et définitive de la production sociale, l'économie politique ne peut rester une science qu'a condition que la lutte des classes demeure latente ou ne se manifeste que par des phénomènes isolés.
« Se révolter, c'est courir à sa perte, car la révolte, si elle se réalise en groupe, retrouve aussitôt une échelle hiérarchique de soumission à l'intérieur du groupe, et la révolte, seule, aboutit rapidement à la soumission du révolté... Il ne reste plus que la fuite. » Henri Laborit pose, à la lumière des découvertes biologiques, la question de notre libre arbitre, de notre personnalité même. La politique, la société, tout prend dès lors une autre dimension.
Dans ces douze cahiers, que Kafka qualifie parfois de Journal, observations de vie quotidienne, rêves, visions, fulgurations, réflexions et même dessins alternent avec de multiples débuts de récit, certains répétés comme s'il s'agissait de réchauffer un moteur narratif refroidi. Dans cette galaxie brille un seul récit achevé, Le Verdict, écrit d'une traite une nuit de 1912, devenu pour l'écrivain le modèle du bonheur de raconter.
Mille et une nuits d'écriture de notations et de récits qui mettent en scène les affres et les exaltations de celui qui dit de lui-même :
Finir prisonnier - ce serait un but dans la vie. Mais c'était une cage entourée d'une grille... comme s'il était chez lui le bruit du monde affluait et ressortait par la grille, en fait le prisonnier était libre, il pouvait avoir part à tout, rien au dehors ne lui échappait... il n'était même pas prisonnier.
Loin des sanctifications et des discordes, ces carnets nous font entrer avec Kafka au pays de l'écriture.
D. T.
800 pages,
Seul l'Occident moderne s'est attaché à classer les êtres selon qu'ils relèvent des lois de la matière ou des aléas des conventions. L'anthropologie n'a pas encore pris la mesure de ce constat : dans la définition même de son objet - la diversité culturelle sur fond d'universalité naturelle -, elle perpétue une opposition dont les peuples qu'elle étudie ont fait l'économie.
Peut-on penser le monde sans distinguer la culture de la nature ? Philippe Descola propose ici une approche nouvelle des manières de répartir continuités et discontinuités entre l'homme et son environnement. Son enquête met en évidence quatre façons d'identifier les « existants » et de les regrouper à partir de traits communs qui se répondent d'un continent à l'autre : le totémisme, qui souligne la continuité matérielle et morale entre humains et non-humains , l'analogisme, qui postule entre les éléments du monde un réseau de discontinuités structuré par des relations de correspondances ; l'animisme, qui prête aux non-humains l'intériorité des humains, mais les en différencie par le corps ; le naturalisme qui nous rattache au contraire aux non-humains par les continuités matérielles et nous en sépare par l'aptitude culturelle.
La cosmologie moderne est devenue une formule parmi d'autres. Car chaque mode d'identification autorise des configurations singulières qui redistribuent les existants dans des collectifs aux frontières bien différentes de celles que les sciences humaines nous ont rendues familières.
C'est à une recomposition radicale de ces sciences et à un réaménagement de leur domaine que ce livre invite, afin d'y inclure bien plus que l'homme, tous ces « corps associés » trop longtemps relégués dans une fonction d'entourage.
Rédigé en 1941, alors que l'hitlérisme a contraint Stefan Zweig à émigrer au Brésil, Le Monde d'hier raconte une perte: celle d'un monde de sécurité et de stabilité apparentes, où chaque chose avait sa place dans un ordre culturel, politique et social qui paraissait de toute éternité.
Un monde austro-hongrois et une ville sans égale, Vienne, qu'engloutira le cataclysme de 1914.
Dans ce qui est l'un des plus grands livres-témoignages sur l'évolution de l'Europe de 1895 à 1941, Zweig retrace dans un va et vient constant la vie de la bourgeoisie juive éclairée, moderne, inétégrée et le destin de l'Europe jusqu'à son suicide, sous les coups de la montée du nationalisme, de l'antisémitisme, de la catastrophe de la Première guerre mondiale et de l'effondrement de l'empire austro-hongrois jusqu'au rattachement de Vienne au Reich nationalsocialiste.
Chemin faisant, le lecteur croise les amis de l'auteur: Schnitzler, Rilke, Romain Rolland, Freud, Verhaeren ou Valéry.
Ce tableau d'un demi-siècle de l'histoire de l'Europe résume le sens d'une vie, d'un engagement d'écrivain, d'un idéal d'une République de l'intelligence par dessus les frontières.