L'homme partage plus de 98 % de ses gènes avec le chimpanzé pygmée et le chimpanzé commun.
On en mesure habituellement peu les implications. Le langage, l'art, la technique et l'agriculture - qui distinguent ce "troisième chimpanzé" - sont le fruit d'une évolution non pas seulement anatomique, mais également comportementale : le faible nombre de petits par portée, les soins parentaux bien au-delà du sevrage, la vie en couple, l'espérance de vie, la ménopause particularisent le cycle vital de l'homme.
À quel stade le troisième chimpanzé fit-il le saut quantique en matière de réussite évolutive, avec l'acquisition de l'aptitude au langage, il y a moins de cent mille ans? Depuis lors l'animal humain déploie tous ses traits particuliers - notamment son aptitude unique à détruire massivement son genre et les écosystèmes, à ruiner la base même de sa propre alimentation. Génocide et holocauste écologique posent désormais la question cruciale de l'extinction de l'espèce humaine, à l'instar de milliards d'autres espèces disparues au cours de l'histoire de l'évolution.
Raconter les origines du vivant oblige à mobiliser de très nombreuses disciplines : l'astrophysique et l'astrochimie pour les origines de l'espace-temps et de notre système planétaire avec ses astéroïdes ; la physique puis la chimie, pour comprendre la formation et la nature des composants ultimes, donc primordiaux de la matière inerte puis cellulaire ; la biochimie, pour saisir la formation des premières molécules et le rôle essentiel de l'eau ; la théorie de l'évolution et la génétique des populations pour retracer le chemin de la première molécule à l'humanité conquérant la Terre.
Mobilisant tous ces savoirs, fidèle à son rôle de faire connaître au public le résultat de ses travaux, l'Académie des sciences a confié à Roland Douce et Éric Postaire le soin de mettre en récit l'intelligence collective qui se propose de raconter quelles sont, au stade actuel des connaissances, les équations de la vie.
Les sciences semblent parfois envahir notre univers quotidien pour le refaçonner. À la demande de l'Unesco, François Gros, directeur de l'Institut Pasteur, a examiné les résultats et les acquis de la biologie contemporaine comme leur influence sur nos représentations de l'homme et nos visions du monde.Que nous apporte donc la biologie contemporaine ? Pas seulement au plan du concret et du matérialisable qu'illustrent à l'évidence telle ou telle réalisation médicale ou tel progrès des biotechniques, mais plus profondément, dans l'appréhension de l'univers ? Quelles conséquences pouvons-nous en tirer par exemple quant à notre manière de concevoir les origines de la vie, son dynamisme, son essence ? Qu'en est-il de l'homme, résultat paradoxal de l'évolution : élément d'un continuum biologique vieux de milliards d'années, mais en totale rupture avec lui depuis l'apparition d'Homo erectus, pour le meilleur et pour le pire ? Les récentes découvertes de la biologie nous éclairent-elles sur notre avenir, modifieront-elles notre devenir ? Telles sont quelques-unes des questions abordées dans un rapport destiné, par son style comme ses interrogations, aux citoyens que nous sommes.