Pour les philosophes, les poètes, les gens de goût, voici un livre qui a marqué notre siècle, à voir le nombre d'ouvrages de commentaire qu'il a suscités : l'oeuvre de Tchouang-tseu fascine tous ceux qui désirent en savoir plus long sur le tao que ce que nous en dit le Lao-tseu.
Ce Tchouang-tseu complet permet de découvrir l'un des cinq ou six philosophes qui ont pensé pour de bon sur la terre depuis que l'écriture existe, un écrivain parmi les plus forts, les plus brillants, les plus poétiques de la Chine. Ainsi pourvu des textes capitaux, tout philosophe, tout poète, tout lecteur pourra s'initier à l'une des philosophies les plus riches de sens sous l'apparent non-sens.
C'est une affirmation courante que le monde moderne, entre autres caractéristiques, se distingue par la disparition de l'initiation.
D'une importance capitale dans les sociétés traditionnelles, l'initiation est pratiquement absente de la société occidentale de nos jours. certes, les différentes confessions chrétiennes montrent encore, dans une mesure variable, des traces d'un mystère initiatique. mais le christianisme n'a justement triomphé et n'est devenu religion universelle que parce qu'il s'est libéré du climat des mystères gréco-orientaux et s'est proclamé une religion du salut, accessible à tous.
En vue de dégager les divers types d'initiation, mircea eliade étudie successivement les rites de puberté dans les sociétés traditionnelles, les cérémonies d'entrée dans les sociétés secrètes, les initiations militaires et chamaniques, les mystères gréco-orientaux, les survivances des motifs initiatiques dans l'europe chrétienne et, enfin, les rapports entre certains motifs initiatiques et certains thèmes littéraires.
L'auteur conclut sur les mouvements occultistes dans le monde moderne.
Gershom scholem donne ici toutes les clés nécessaires à la compréhension de la kabbale, ce courant mystique, né dans l'antiquité, et qui a trouvé sa forme définitive au xxe siècle.
Les concepts sont exposés avec une clarté d'expression étonnante au regard de la complexité des oeuvres et des thèmes abordés.
La kabbale constitue donc un état des connaissances en matière de mystique juive.
De cet ouvrage, en forme d'invitation au voyage, ressort la quête d'un judaïsme de la liberté oú le souci de la fidélité à la tradition ne se referme jamais sur lui-même mais ouvre sur un monde oú l'utopie est présente.
Un des plus grands écrivains de notre époque, Jorge Luis Borges, expose dans cet essai, issu d'une série de conférences, l'histoire et la doctrine du bouddhisme.Oeuvre exhaustive : Borges examine les antécédents du bouddhisme et analyse les particularités de cette doctrine : le lamaïsme, le tantrisme et le bouddhisme zen.Dans ce cours, Borges, grâce à son savoir universel, ne cesse de comparer les doctrines asiatiques avec les religions européennes. Son exposé est d'une profondeur et d'une clarté remarquables.
«En toi rien n'a vraiment changé.» Ainsi se terminait le précédent livre de Carlos Castaneda, Voir (Les enseignements d'un sorcier yaqui). C'est le même sorcier indien, don Juan Matus, qui constitue la figure centrale du Voyage à Ixtlan. Deux conceptions du monde s'affrontent ici. Elles ont pour enjeu la conscience de l'auteur qui se voit soumis à un déconditionnement intensif, auquel il se prête avec curiosité, tout en s'efforçant de comprendre ce qui lui arrive. Ainsi s'opère une initiation déroutante à la faveur de laquelle l'Occidental pénètre toujours plus profondément dans le monde mental de son guide. Initiation qui ne va pas sans rébellion, scepticisme et repentirs, sans parler des terribles angoisses qu'elle impose au néophyte. Initiation qui se poursuivra pendant dix ans et prendra fin sur une illumination qui forme la dernière partie du livre.
La philosophie en terre d'Islam n'a pas seulement recueilli l'héritage des Grecs. Son rôle dans l'histoire ne s'est pas achevé avec Averroës. Jusqu'à nos jours, elle n'a cessé d'engendrer une des plus riches métaphysiques qui soient.Henry Corbin fait plus ici que nous révéler les moments de cette longue histoire. Il en dévoile le sens et l'intention herméneutique : comment, des Ismaéliens à Avicenne, de Sohravardî ou d'Ibn 'Arabî à l'École d'Ispahan, s'est constituée une exégèse du Livre saint, et comment est née une philosophie prophétique.Désormais, il convient que ces pensées ne restent pas inconnues du public occidental, mais qu'elles prennent enfin leur place dans le cours de notre propre questionnement.
Le bouddhisme tel que nous le concevons aujourd'hui en Occident est un produit hybride de la sécularisation européenne.
Depuis la seconde partie du XIXe siècle, des intellectuels anticléricaux ont cherché à remplacer l'héritage sémitique et biblique de l'Europe par les anciennes doctrines de l'Inde, jugées plus rationnelles.
L'enseignement du Bouddha semblait particulièrement indiqué : sans Dieu, sans Sauveur, sans révélation écrite, il paraissait à même de réformer l'Occident en l'asseyant sur des bases nouvelles.
Produit de la sécularisation européenne, ce « bouddhisme moderne », aujourd'hui défendu par des personnalités médiatiques comme Sogyal Rinpoché ou Matthieu Ricard, vise une rénovation sociale qui passe par le perfectionnement spirituel de chacun. La « méditation » n'est plus une réflexion sur la vie mais une relaxation assise visant au perfectionnement émotionnel et mental. Et ce, non plus sous la direction de simples moines ou maitres bouddhistes, mais de formateurs, de thérapeutes, de médecins, d'écrivains, de conférenciers, de lobbyistes. La visée n'est plus la recherche de l'éveil mais l'amélioration des performances humaines, dans un but social.
Les écrits de Gandhi, à la fois autobiobraphiques et philosophiques, nous font connaître un de ces hommes qui ont marqué notre siècle. Son génie tient à la mnanière dont il a su transposer la non-violence de la grande tradition indienne du domaine de la morale personnelle à celui de l'action publique. Il a vécu lui-même cette transposition à une telle profondeur qu'il a pu lui donner une valeur exemplaire au-delà d'une expérience individuelle.
Malgré ses progrès sur le «chemin du guerrier» qui lui ont valu le titre prestigieux de «nagual», Castaneda reste un éternel disciple en face de don Juan qui, inlassablement, poursuit son enseignement et tente d'initier son élève à des concepts de plus en plus élaborés et concis à la fois. C'est dire la part de mystère qui reste attachée, pour l'apprenti, aux «noyaux abstraits», ces vérités qui ne passent pas par le truchement des mots et participent d'une «connaissance silencieuse» qui ne se laisse aborder que par intuition directe. Elles sont partie prenante de l'«esprit», de l'«intention», et ne se révèlent qu'au terme d'une ascèse parfaite. Tel est le prix à payer pour approcher l'«abstrait», ce domaine mystérieux où le raisonnement doit le céder à la raison pure, et où le discours prend fin pour laisser place au silence de la «véritable» connaissance.
Le traité Moed Katan se présente comme un complément au Traité Pessahim. Il est question, comme l'indique son titre, des « demi-fêtes » - soit essentiellement du temps qui sépare le premier et le dernier jour de la Pâque. Cette période, qualifiée par les maîtres du Talmud de hol hamoed, c'est-à-dire à la fois jour profane et jour de fête, au coeur d'un débat constamment rapporté aux problèmes les plus concrets, en particulier aux difficultés que soulève l'interdit de travailler.
La seconde partie du traité concerne la conduite et le travail du deuil, aussi bien à travers le récit du décès de quelques grands maîtres que grâce aux plus savantes oraisons ou aux paroles improvisées des femmes du peuple en deuil.
Si le premier mot du traité enjoignait d'arroser les arbres pour les empêcher de mourir, le deuil constitue donc le mot de la fin, à travers le même fil conducteur. C'est le cours de la destinée humaine que ces paroles vives des grands maîtres remontent jusqu'à son terme. Jusqu'à sa première et ultime ambivalence.
La religion chrétienne orthodoxe est aujourd'hui probablement la plus méconnue et la plus sujette aux confusions. D'entrée, dans une ignorance largement partagée, on songe aux liens de soumission de l'Église de Moscou au pouvoir russe - mais on oublie que la deuxième Église orthodoxe orientale est celle d'Éthiopie; à l'association historique de l'orthodoxie au panslavisme - mais c'est ne pas mesurer l'importance que prend désormais l'Église orthodoxe nord-américaine; à une mystique impressionnante, telle celle du Mont Athos, mais c'est alors prêter à cette religion une unité liturgique plus qu'institutionnelle. Antoine Arjakovsky, dans cet ouvrage d'une singulière originalité, nous fait découvrir l'orthodoxie dans la dynamique de l'histoire, c'est-à-dire dans la crise profonde que traversent aujourd'hui une religion, des Églises et leur identité trop souvent figée. Car les orthodoxes ne s'entendent pas sur la définition de leur Église (est-elle celle des sept premiers conciles oecuméniques? ou, plutôt que la fidélité à la mémoire, est-ce la capacité à incarner, avec l'aide de l'État, le règne de Dieu sur la terre grâce à la «droite vérité» qui la définit? ou bien encore se ramène-t-elle à la «juste glorification» - c'est-à-dire sa spiritualité, son culte, sa prière, qui remontent aux apôtres notamment?); moins encore sur la place des femmes ni sur les rapports aux puissances politiques. Face à des tensions internes qui peuvent conduire à l'éclatement d'une identité commune devenue impossible, Antoine Arjakovsky montre l'émergence d'une conception nouvelle de l'orthodoxie comme «la connaissance juste», celle qui unifie ce qui est cru avec ce qui est vécu, en quelque lieu que ce soit. Il n'y va plus seulement de questions de doctrine mais, pour le monde contemporain, aussi de rééquilibrages géopolitiques.
Le Coran est, pour les musulmans, la Parole de Dieu, révélée au Prophète Muhammad par l'intermédiaire de l'ange Gabriel entre 6610 et 632 de l'ère chrétienne. Est-il besoin de souligner l'importance aujourd'hui de comprendre ce que dit ce texte capital ? Ce qu'il dit et non pas ce qu'on lui fait dire. L'ouvrage que voici donne des clés pour le lire et le penser. En replaçant de nombreux versets du Coran dans les circonstances où ils furent révélés, il éclaire des évidences largement occultée à l'heure actuelle et cependant essentiels à l'intelligence du texte. Et de l'islam.
Ananda K. Coomaraswamy (1877-1947) n'était pas seulement un des plus célèbres spécialistes de la philosophie, des religions et de l'art orientaux, mais aussi un connaisseur de la pensée de l'Occident où il avait vécu de longues années. Son analyse du Bouddhisme et de l'Hindouisme est donc particulièrement précieuse : elle ne se contente pas d'exposer la signification de ces deux grandes religions, mais les compare constamment aux grands courants de la pensée occidentale.
Un mythe concernant la Chine hante les élites et les intellectuels : les Chinois penseraient différemment des Occidentaux, affichant une radicale altérité. Dans l'Europe des Lumières s'est construite, puis figée, l'image d'une Chine dotée d'une écriture idéographique, soumise à une tradition despotique et isolée du reste du monde pendant des siècles, ce qui expliquerait son immobilisme philosophique, politique et scientifique dont l'Occident serait opportunément venu la tirer, avant d'en découvrir à son tour la sagesse. Cette vision du monde exerce en retour une influence considérable sur la façon dont les élites chinoises ont envisagé leur propre culture, dénigrée du fait de son supposé retard, puis aujourd'hui exaltée par le régime communiste comme une identité nationale spécifique. Il a donc paru opportun d'offrir aux lecteurs un état des lieux, inédit et pionnier, de ce qu'est aujourd'hui la pensée en Chine. Ce travail collectif de spécialistes français, anglais et chinois a pour souci premier et constant de fournir une information précise, critique et contextualisée sur quatre grands thèmes : les dynamiques de la modernité chinoise ; l'invention des catégories modernes (philosophie, religion, médecine) ; les questions d'identité (écriture, langue, histoire) ; l'introuvable altérité, enfin.
«Comme il est bon de convaincre toute sorte de personnes des vérités de la religion, je ne crois pas qu'on puisse trouver mauvais que dans ce petit ouvrage je parle aux philosophes modernes le langage qu'ils entendent, et que j'y suive les principes qu'ils reçoivent. Saint Thomas s'est servi des sentiments d'Aristote, et saint Augustin de ceux de Platon ; pour prouver, ou plutôt pour expliquer, aux sectateurs de ces philosophes les vérités de la foi et si je ne me trompe, il est permis à la Chine de tirer de Confucius philosophe du pays, des preuves de la vérité de nos dogmes. La charité veut qu'on persuade en toutes les manières possibles les vérités qui conduisent à la possession des vrais biens. [...] Être péripatéticien ou platonicien, gassendiste ou cartésien, c'est là un défaut ; car ce n'est pas assez craindre l'erreur que de se rendre à l'autorité des hommes qui y sont sujets : mais c'est un défaut que l'Église souffre dans ses enfants, pourvu qu'ils reçoivent avec respect les vérités catholiques. Ce sont ces vérités essentielles au salut, qu'il faut tâcher de répandre dans tous les esprits. On les a expliqués aux sectateurs de Platon et d'Aristote par les principes de ces philosophes ; et je veux essayer de les démontrer aux cartésiens, et même à ceux qui ne sont prévenus d'aucune opinion, en me servant des principes que ces philosophes reçoivent, et des raisons qui ne dépendent, ce me semble, que du bon sens.»
Souvent, le lecteur européen identifie «soufisme» et vague ascèse mystique et ne connaît que quelques noms célèbres (Ibn'Arabî, Hallâj). Or dans l'époque intermédiaire entre l'âge d'or de la civilisation arabe et le XVII? siècle de la Renaissance safavide en Iran, toute une pédagogie spirituelle se constitua dont nombre d'écoles vivent encore. En cela, le texte de Nûruddîn Abdurrahmân Isfarâyinî (1242-1317) est très représentatif du soufisme iranien. Il apporte une lumière nouvelle sur des problèmes concrets de la spiritualité soufie : qu'est-ce que le maître spirituel ? Quelles sont les pratiques par lesquelles on parvient à la plénitude mystique (le silence, la retraite) ? Que sont les centres subtils de l'organisme ? Qu'est-ce que l'amitié de Dieu pour un soufi ?Tel est la singularité de ce traité : unir indissolublement l'expérience concrète et une ontologie complexe.
«[...] le bilan des diverses méthodes d'approche et de compréhension du fait religieux nous semble hautement significatif. Il nous apprend que, pour comprendre tant soit peu de l'essence et de la nature d'un sacré qui est toujours vécu par l'homme, il nous faut conduire notre analyse à divers niveaux : aller sans cesse de l'historique et du social vers les structures profondes de la pensée et du langage comme de l'inconscient humain. Mais cette multiplicité de niveaux d'appréhension implique une pluralité d'herméneutiques souvent en conflit les unes avec les autres. Toute analyse qui se contenterait d'appliquer aux faits religieux une seule herméneutique serait donc mutilante parce que réductrice. Il nous faut donc travailler à l'élaboration d'une anthropologie religieuse unitive, car, de l'étude de l'objet religieux à la signification d'un sacré vécu par l'homme, c'est tout un champ d'intentionnalités individuelles et collectives qui s'ouvre à nos recherches. Là réside la raison même d'une discipline ouverte à tout ce qu'elle rencontre, et soucieuse de comprendre, dans la diversité des expériences historiques, l'unité profonde des comportements religieux de l'homme.»Michel Meslin.
«[...] le bilan des diverses méthodes d'approche et de compréhension du fait religieux nous semble hautement significatif. Il nous apprend que, pour comprendre tant soit peu de l'essence et de la nature d'un sacré qui est toujours vécu par l'homme, il nous faut conduire notre analyse à divers niveaux : aller sans cesse de l'historique et du social vers les structures profondes de la pensée et du langage comme de l'inconscient humain. Mais cette multiplicité de niveaux d'appréhension implique une pluralité d'herméneutiques souvent en conflit les unes avec les autres. Toute analyse qui se contenterait d'appliquer aux faits religieux une seule herméneutique serait donc mutilante parce que réductrice. Il nous faut donc travailler à l'élaboration d'une anthropologie religieuse unitive, car, de l'étude de l'objet religieux à la signification d'un sacré vécu par l'homme, c'est tout un champ d'intentionnalités individuelles et collectives qui s'ouvre à nos recherches. Là réside la raison même d'une discipline ouverte à tout ce qu'elle rencontre, et soucieuse de comprendre, dans la diversité des expériences historiques, l'unité profonde des comportements religieux de l'homme.»Michel Meslin.
Libérer la judéité d'une modernité mortifère, dans laquelle, pour exister dehors où s'érigeait l'empire exclusif du politique, elle devait renoncer à elle comme force historique dans le politique, et accepter son exil dans un «dedans» d'occultation et de négation : assumer sa mort pour la vie...Telle était, dès l'origine, l'ambition de cet ouvrage dont l'écho fut immédiat.Cette première critique de la modernité juive, finissante et caduque, en une époque où la crise du politique est évidente, veut fonder la Nouvelle Jérusalemn où le juif ne sera plus étranger à lui-même dans l'histoire. Ouverture d'une nouvelle «modernité» juive, d'une ère nouvelle de la judéité dans le monde contemporain.Voici donc la formulation de ce qui apparaîtra peut-être comme la première théorie juive du politique : elle affronte et traverse à visage nu le fait politique contemporain, le dépasse activement au lieu de s'y adapter et de le reproduire. À seule fin de rompre avec l'enfermement dans le monde privé, de sortir les disparus de leurs caveaux, faire de l'ancien du nouveau, et de la décrépitude nocturne une aurore.