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GALLIMARD
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Ce poème d'Aragon est un «roman achevé», au sens où l'on dit qu'une oeuvre est achevée ; c'est un roman en ce qu'il raconte une aventure du coeur. L'amour, l'expérience, la réflexion sur la vie en constituent les thèmes. Un Roman de la Rose. Et comme le Roman de la Rose, difficile à analyser, car sa signification est multiple, et la Rose ici, de l'aveu de l'auteur, indescriptible. Peut-être le lecteur en trouvera-t-il la clef dans les épigraphes au poème, l'une tirée du Gulistan ou L'Empire des Roses, de Saadi, l'autre de Roses à crédit, roman d'Elsa Triolet. Le thème de la Rose, commun à nos poètes médiévaux et à ceux de l'Orient, ne semblera aucunement d'apparition fortuite au coeur du poème que voici, à condition de se rappeler qu'Elsa voit le jour en même temps que ces Roses à crédit.
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La présence pure et autres textes
Christian Bobin
- Gallimard
- Poesie Gallimard
- 24 Janvier 2008
- 9782070349821
S'il écrit peu de poèmes, formellement parlant, Christian Bobin est sans doute l'un des écrivains contemporains qui sait au plus juste mettre en oeuvre l'injonction d'habiter poétiquement le monde, injonction proférée jadis par Holderlin. Avec lui, pas de faux-semblants, aucun réflexe de litttérateur, mais un engagement de l'être dans le temps même de la vie, et une parole qui a pouvoir de viatique. Les textes rassemblés dans ce volume ont tous ce supplément d'âme et de lumière qui, non seulement fait escorte, mais invente des routes imprévues, des clairières inespérées, sans jamais occulter les épreuves, les alarmes ni les deuils. «Je suis né dans un monde qui commençait à ne plus vouloir entendre parler de la mort et qui est aujourd'hui parvenu à ses fins, sans comprendre qu'il s'est du coup condamné à ne plus entendre parler de la grâce», écrit Christian Bobin dans La Présence pure. Et cette grâce qu'il préserve au bord de la mort comme sur le visage de l'amour, il s'en fait le guetteur, le sourcier, et il a comme personne les mots pour l'éveiller.
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Car l'adieu, c'est la nuit
Emily Dickinson
- Gallimard
- Poesie Gallimard
- 22 Novembre 2007
- 9782070347599
«Celle qui a tant écrit sur l'adieu a dit adieu au monde il y a cent vingt ans, léguant à d'hypothétiques lecteurs, tandis qu'une mouche venue de ses propres poèmes cognait contre la vitre de sa chambre, "la part d'elle transmissible" : une longue lettre sans signature, composée de centaines de feuillets déposés dans un coffret au fond d'un tiroir de commode. Un tendre et solennel héritage à partager. Une énigme à résoudre par les générations à venir. Ce mode de transmission suffit à lui seul à distinguer Emily Dickinson des autres poètes, et même d'un Pessoa qui a laissé la plus grande partie de ses oeuvres à la postérité dans des circonstances un peu analogues. Le poète portugais jouissait de son vivant d'une certaine notoriété. Emily Dickinson, tout entière réfugiée dans ses écrits, n'en avait pour ainsi dire aucune. Elle livrait avec une rare confiance ce qu'elle avait de plus cher aux mains "aveugles" des générations futures.» Claire Malroux.
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Champs de Castille ; solitudes, galeries et autres poèmes ; poésies de la guerre
Antonio Machado
- Gallimard
- Poesie Gallimard
- 13 Janvier 1981
- 9782070321919
«Il est des voix que la distance avive, arrache, dirait-on, aux mille échos momentanés du jour, pour nous les rendre plus poignantes, austères et comme énigmatiques dans le silence neuf où elles surgissent. L'oeuvre poétique d'Antonio Machado, accessible enfin au lecteur de langue française, participe de ce destin tout à la fois superbe et redoutable. Longtemps connue ici par bribes, et presque par raccroc, en relation avec la geste tragique de cette Espagne qui l'a vu naître, voici qu'elle s'offre à nous déliée, mais aussi, démunie de son contexte, dans la différence et l'écart d'une pensée, d'un idiome, d'un système de signes à bien des égards étrangers à son entreprise. Toute traduction de poésie, nous le savons, n'est au mieux que translation hasardeuse, équivalence hypothétique entre un monde à jamais clos sur son questionnement et les figures, trop affirmées toujours, dont il s'illustre ailleurs. La parole de Machado, tenacement inscrite en une terre, obscurément nourrie de ses passions et de ses dieux, pouvait-elle aborder sans peine à d'autres rives ? Je crois que le premier mérite de la version qui nous requiert aujourd'hui est d'avoir tenté, sans théâtre ni distorsions maniéristes, de maintenir une approche littérale, au plus près du souffle et du cheminement originels. La gravité, le dépouillement des meilleurs poèmes de Machado ne demandent pas tant à être reconstitués que reconnus. C'est dire que la fidélité à la lettre, périlleuse parfois, témoigne ici d'une adhésion très profonde à la poétique qui a guidé le poète, à ce désir, tant de fois prononcé par lui, d'une lecture naïve et nue.» Claude Esteban.
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«Il n'est pas d'expression plus vive et plus cruelle de l'amour, que ces incomparables Sonnets. Ce n'est pourtant pas cela qui fait leur gloire. Leur gloire semble encore attachée à l'existence d'un phénomène poétique se déroulant, à travers le lyrisme tour à tour brillant, impassible, féroce et sanglotant, dans une suite de cent cinquante-quatre pièces. Shakespeare, ce noble démon, est probablement ici tout entier, sous les astres de la première partie de sa course. C'est dans une profonde incertitude, et beaucoup
d'obscurité même, que s'accomplit pour nous le phénomène poétique des Sonnets, si étroitement lié à l'existence d'un homme. Les grandes options sentimentales ou érotiques ne sont pas définies ; le phénomène ne propose ni un concetto, ni une expérience tragique, mais les deux réunis, avec le masque du grand art. Ces Sonnets n'étaient point faits, du reste, pour être lus par le public ; ils étaient conçus pour une récitation à voix basse, ou une confidence amoureuse, ou une sourde querelle. Cette suprême poésie n'a aucune ambition d'être une poésie. Elle est ambitieuse de secret. [...] Un triple amour est exposé. Le plus important est sans conteste celui du poète pour un homme aux yeux admirables, à la chevelure blonde, au teint de parfaite douceur, symbole de la jeunesse. L'autre est un violent lien à une femme noire par les yeux et les cheveux, dont la couleur en soi méprisable est rachetée par une extrême chaleur. Cette femme est de plus foncièrement infidèle au poète envoûté ; elle séduit l'ami, et l'arrache sans doute au premier amour. L'auteur des Sonnets est - à travers ses fictions - le centre d'un triple conflit, avec lui-même, avec l'amant, et avec la maîtresse. L'ensemble des Sonnets lui paraît dès lors comme le drame érotique par excellence, où le poète est identifié à la nature avec ses ambiguïtés et tous ses sens possibles ; où l'aimé couvert de beauté est Éros (sur soi-même incliné) ; où la femme sombre est traitée comme déchéance de la nature ; et le drame a tout l'esprit de la Renaissance.» Pierre Jean Jouve. -
Les sonnets ; Vénus et Adonis
William Shakespeare
- Gallimard
- Poesie Gallimard
- 29 Novembre 2007
- 9782070342426
Depuis de longues années, Yves Bonnefoy s'est persuadé que quelque chose de décisif a été expérimenté par Shakespeare dans l'assez brève période où l'auteur de Hamlet a écrit ses Sonnets. « Il a fait de ceux-ci, précise Yves Bonnefoy, une réflexion sur la poésie, de laquelle a résulté qu'il a choisi de cesser d'écrire des poèmes ; lesquels l'avaient rendu aussi notoire que son premier théâtre, pour se consacrer entièrement à la scène : choix qui, en profondeur, était en fait celui de la poésie en un sens plus moderne que celui que son époque plaçait dans les poèmes et leur prosodie régulière. C'est un choix qui est d'ailleurs reflété, médité et même explicité dans les pièces de très exactement ou juste après le moment où furent écrits les sonnets, notamment Roméo et As you like it. Je crois qu'il y a là une approche susceptible d'éclairer tout le théâtre de Shakespeare. »
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«Les raisons pour lesquelles Mallarmé fut captivé par la poésie de Poe ne semblent pas évidentes quand on passe d'une oeuvre à l'autre : chez l'Américain, un climat morbide, souvent funèbre, une atmosphère vaporeuse et spectrale, l'amour désincarné pour un fantôme ; chez le Français, la concupiscence animale du Faune, la hantise de la beauté féminine bien vivante et bien charnelle, ou la sensualité refoulée d'Hérodiade, les scintillements de diamants, de cristal, de métaux précieux dans d'autres poèmes. Ce sont deux mondes apparemment inconciliables : l'un, hyperboréen, brumeux, évanescent ; l'autre, méditerranéen, ensoleillé, où même l'hiver (celui du Cygne, celui d'Hérodiade) a la splendeur concrète des gemmes. Pourtant, à y regarder de près, on découvre des analogies, des ressemblances entre Poe et le Mallarmé de la première période, celle qui va de 1862 à 1865, la période baudelairienne de Apparition, Soupir, Les Fleurs, Brise marine : la prédilection pour certains mots ou assemblages de mots (angélique, langueur, blancs sanglots, blancheur sanglotante, blancheur sibylline, blanche nue, marais livide...), leur arrangement selon des rythmes savants, un certain préraphaélisme de forme. Mallarmé admirait chez le poète américain la science des sons, la musique, et, comme Baudelaire, la magie incantatoire. Il voyait en lui un cas littéraire absolu, un artiste qui avait répudié les contingences de la vie pratique pour se consacrer exclusivement à la poursuite de la beauté, non point seulement la beauté formelle, mais la beauté idéale dont les choses visibles ne sont que les signes ou les symboles.» Jean-Louis Curtis.
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Poemes de jeunesse et quelques autres
Pier Paolo Pasolini
- Gallimard
- Poesie Gallimard
- 24 Octobre 1995
- 9782070328864
L'originalité de ce recueil des poèmes de Pasolini tient aux traductions des textes de jeunesse écrits en frioulan publiés pour la première fois avec l'original. Dans sa présentation, Dominique Fernandez insiste sur l'intérêt de ces poèmes pour comprendre l'évolution du poète à partir de la rupture, en 1950, avec ce qui fut pour lui l'éden:son village du Frioul, ce dialecte riche de saveurs poétiques, son adolescence où l'homosexualité n'était encore que virgilienne fratrie entre garçons. Après son exil vers Rome, Pasolini deviendra le personnage que l'on sait, parlant l'italien officiel, prisonnier d'une homosexualité désormais définie et brutalement dépourvue des ambiguïtés charmantes de l'adolescence.
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Le Dîwân de la poésie arabe classique
Collectif
- Gallimard
- Poesie Gallimard
- 21 Novembre 2008
- 9782070358373
« J'ai tenté de regarder la poésie arabe sous un angle strictement esthétique qui dépasse les points de vue historique et sociologique sans toutefois nier leur importance ou leur rôle. La poésie puise sa propre valeur de l'intérieur : de la puissance, la richesse aussi bien de l'expression que de l'expérience. Ainsi, l'on ne peut considérer la poésie comme une attestation historique ou sociologique. C'est une voix qui se suffit à elle-même.
Qu'Imru'u al-Qays et bien d'autres aient chanté la nuit du désert ou tel ou tel autre thème n'est pas important en soi. L'important est la façon dont ils l'ont chanté. Comment avec un événement ponctuel ont-ils pu atteindre l'universel ? Son expression conserve-t-elle encore la chaleur, la profondeur et la sensibilité de la création ou l'environnement actuel, historique et sociologique, a-t-il terni cette voix ? Aussi ai-je opté pour le fil qui va d'un poète à l'autre, celui qui nous conduit vers l'individu avant la société, la création avant l'histoire, la poésie avant le thème poétique. J'ai également privilégié le poète qui se caractérise par une voix singulière, la sienne. En particulier, si cette voix est justement celle d'une langue riche, poétique et qui n'obéit qu'à sa propre nécessité interne, loin de toute imitation, toute répétition ou appartenance à l'expression commune. » Adonis.
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Eros émerveillé ; anthologie de la poésie érotique française
Collectif
- Gallimard
- Poesie Gallimard
- 9 Février 2012
- 9782070443550
Du vertige libertin qui envahit la poésie française au XVI? siècle jusqu'aux blasons amoureux des surréalistes, de l'érotisme le plus feutré à la pornographie la plus exacerbée, on trouvera ici, en trois cent cinquante poèmes, une anthologie de la volupté sous toutes ses facettes. Un florilège du chavirement, explorant le territoire amoureux dans sa dimension toujours renouvelée. De Ronsard à Rimbaud, de Verlaine à Genet, de Louise Labé à Joyce Mansour, de Sade à Bataille, de Jouve à Calaferte, de Pierre Louÿs à Franck Venaille, de Michel Leiris à Bernard Noël, quelque deux cents poètes, dont un grand nombre de modernes et de contemporains, disent ici l'incroyable besoin d'impudeur qui parfois les saisit. Ils disent les jeux de la langue et du sexe, avec toutes leurs saveurs, du sucré au salé, de l'implicite à l'explicite. Cette anthologie, qui rassemble ce que la poésie a produit de plus érotique en cinq siècles, entraîne le lecteur à célébrer Éros en tous ses fastes, lumineux, sombres ou hilarants - Éros émerveillé.
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La chute des temps ; l'été langue morte ; la moitié du geste ; la rumeur de l'air ; sur un pli du temps
Bernard Noël
- Gallimard
- Poesie Gallimard
- 26 Octobre 1993
- 9782070327737
Nouvelle édition augmentée d'une postface de Stefano Agosti en 2000
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«Essentiellement poète, Joë Bousquet, qui croyait peu à la distinction des genres, n'a laissé qu'une main de poèmes proprement dits : La Connaissance du Soir. Il avait vivement présent à l'esprit la conception d'une poétique si complète qu'elle devait déborder sur tout, incarner la vie même, et rassembler l'esthétique et la métaphysique, la morale et la mystique ; envahir le domaine érotique et prendre en charge la gravité et les jeux de langage. Mettre cette poétique au jour fut le travail de son existence entière. C'est pourquoi il est littéralement impossible d'aborder tel ou tel ouvrage de Bousquet, et principalement celui-ci, sans examiner ce qui dépasse et englobe tel livre séparé, renvoyant dès lors à une expérience capitale qui fonde le langage si particulier à notre auteur, et, dans le même temps, échoue à le dévoiler dans sa profondeur. À la limite, Joë Bousquet n'a produit qu'un seul écrit : ses oeuvres dites complètes. Ce texte est à chaque fois inaugural. Où qu'on le prenne, il annonce un texte à venir - et qui ne pourrait en aucune manière advenir et se clore. Joë Bousquet est une écrivain de l'ouvert, dans la mesure même où il est un homme de la béance.» Hubert Juin.
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Canti / oeuvres morales (choix)
Giacomo Leopardi
- Gallimard
- Poesie Gallimard
- 25 Mars 1982
- 9782070322220
«Il reste à écrire une biographie cosmique de Leopardi, poète incomparable de la révolution des sphères célestes, né à l'orient et mort à l'occident de l'Italie, face au golfe de Naples où s'inspirant sans doute sans le dire de L'Infinito, Lamartine percevait "l'infini visible qui fait sentir aux yeux les bords du temps et entrevoir l'existence sans bords". Il faudrait y ajouter un essai définissant l'entière révolution de sa poésie, de la jouissance imaginaire d'un infini métaphorique ("Et m'abîmer m'est doux en cette mer") à la contemplation extatique de l'univers infini ("Si la vie dépourvue de passions et de nobles erreurs est une nuit d'hiver sans étoiles, c'est me venger assez du sort mortel que de m'étendre, dédaigneux, dans l'herbe, et de sourire en contemplant la terre, la mer, le ciel").» Jean-Michel Gardair.
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La ballade du vieux marin et autres textes
Samuel Taylor Coleridge
- Gallimard
- Poesie Gallimard
- 22 Novembre 2007
- 9782070319237
« Samuel Taylor Coleridge (1772-1834) est le plus romantique de tous les poètes romantiques. Mélange d'émotions et de réflexion, d'enthousiasme et de doutes, il est la contradiction faite homme. Il aime passionnément la Nature, dans sa version sauvage du Pays de Galles et des Lacs où il vit avec une parfaite sobriété écologique. Dans le même temps, cependant, il ne peut pas se passer de Londres, dont il aime fréquenter les cafés. Comme il a lu Rousseau et les philosophes du XVIIIe siècle, il porte en lui l'utopie d'une société meilleure. Mais comme il trouve que la Révolution française s'est pervertie, il part en 1798 pour l'Allemagne et l'université de Göttingen découvrir Kant, Schelling et Fichte. Ce faisant, il quitte la poésie pour la philosophie, abandonne femme et enfants pour une vie d'errance londonienne et d'accoutumance à l'opium. Il est le modèle de tous les Rimbaud à venir. Il compose un impérissable poème en sept chants La Ballade du Vieux Marin ainsi qu'une méditation orientale sur l'empereur mongol Kubla Khan, que toute l'Angleterre sait par coeur. Ce grand marcheur métaphysique, capable d'escalader les pics du Lake District de nuit, est probablement l'inconnu que l'on voit de dos dans les tableaux de Caspar David Friedrich rêver dans le soleil naissant au-dessus d'un océan de brume. »
Jacques Darras.
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L'archangélique et autres poèmes
Georges Bataille
- Gallimard
- Poesie Gallimard
- 15 Mai 2008
- 9782070349814
« L'oeuvre poétique de Georges Bataille est restée à l'écart, non parce qu'elle manquerait de qualité, mais plus certainement parce qu'elle représente un danger pour la poésie. Elle n'en conteste pas seulement les manières, elle les déchire, les salit ou bien les rend dérisoires. Ainsi la poésie est attaquée dans sa nature même et bientôt pervertie ou, plus exactement, souillée. On se protège de cette souillure mentale en l'attribuant aux sujets souvent obscènes ou scatologiques, alors qu'il s'agit d'une chose tout autre - qu'il s'agit d'un saccage interne faussant les articulations ordinaires du poème pour leur faire desservir leur propre élan. Il y a de la brutalité dans ce retournement : une façon de trousser le vers pour exhiber sa nudité sonore scandée à contresens de ce qu'il dit. » Bernard Noël.
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Poemes (1858-1888) / fragments poetiques / dithyrambes pour dionysos
Friedrich Nietzsche
- Gallimard
- Poesie Gallimard
- 1 Mars 1998
- 9782070318438
Présentation du traducteur
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«L'oeuvre qui représente le mieux Francis Jammes est sans doute Le Deuil des primevères, parce qu'elle se situe au point de sa vie où il a su concéder au prosaïsme et au lyrisme la juste part qui revient à chacun, sans que chacun nuise à l'autre ou l'étouffe. Le langage s'en trouve bien. Il a l'aisance au ras du sol de l'impression satisfaite avec les choses observées, et l'élan de l'image qui porte la confidence au niveau d'un appel intérieur. On y sent ce qui respire et ce qui est inspiré. Livre d'un homme jeune capable d'exprimer tout ce qu'il éprouve depuis son enfance et tout ce qu'il éprouvera jusqu'à sa vieillesse, il contient, pourrait-on dire, l'essence même du jammisme, ce parfum à nul autre pareil dont on s'imprègne sans y prendre garde, fait de passé, de campagne, d'exostisme et de religiosité. Toutes les cloches s'y conjuguent : celles des églises habillées de feuilles, celles des moutons transhumants, celles des bateaux transocéaniens, celles des fleur stropicales. Les sonneries retentissent au coeur du poète transporté lui aussi d'un côté du monde vers l'autre. Il n'a pas cessé d'être, selon ses propres termes, un faune, mais ce faune ne tourne pas le dos à un certain chrétien qui, se souciant peu des dogmes, se réclame de François d'Assise et s'adresse sans fausse honte à un Dieu très bonhomme pour lui confier ses inquiétudes charnelles ou spirituelles.» Robert Mallet.
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Après Le corps clairvoyant, livre qui regroupe les poèmes de Jacques Dupin publiés chez Gallimard de 1963 à 1982, un second volume de Poésie/Gallimard reprend, sous le titre Ballast, les recueils composés les vingt années suivantes. Le choix de cet intitulé pour le moins lapidaire n'est pas fortuit et marque l'âpre volonté de considérer les mots du poème à l'égal de ces pierres brisées que l'on tasse sous les traverses des voies ferrées. Humbles supports, mais irréductibles, et qui sont nécessaires au transport, voire au voyage.
La minéralité est ici plus présente que jamais, à quoi s'ajoute cette force de rupture perçue d'emblée par Jean-Pierre Richard : «Le paysage de Dupin ne s'affirme en effet qu'en se trompant. Il naît de sa propre déchirure : disjonction qu'il réinvente, et interroge sans cesse sur le mode essentiel de l'agressivité. Foudres, rafales, chocs, saccades, lames, socs, pelles, brèches, enfoncements, éraflures, écorchures, obscurcissements, éclatements, dislocations, naufrages : voilà quelques-uns des instruments et des figures en lesquels se rêve, monotone et toujours varié, le si puissant dynamisme de l'assaut.» Un assaut qui se fonde aussi sur le refus radical des codes, des parures, des agréments, des séductions faciles. Comme le suggère Contumace, l'un des recueils repris ici, Jacques Dupin n'est pas un poète qui accepte de comparaître et, s'il doit être jugé, c'est à coup sûr en son absence. Sa poésie, toute d'intensité et d'inconfort, est de celle qui ouvre des brèches et laisse un réel échancré, sous une rude averse de grésil.
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Quelqu'un plus tard se souviendra de nous
Collectif
- Gallimard
- Poesie Gallimard
- 4 Mars 2010
- 9782070437368
Avec pour étendard un vers prophétique de Sapphô - Quelqu'un plus tard se souviendra de nous -, voici une anthologie des quinze femmes-poètes publiées en Poésie/Gallimard depuis les origines de la collection. Des odes et fragments de celle que Platon considérait comme la dixième Muse jusqu'à ceux de Kiki Dimoula, la voix poétique la plus célèbre dans la Grèce d'aujourd'hui, vingt-sept siècles parcourus.
Non pas une anthologie de la poésie féminine, dénomination que beaucoup de femmes-poètes récusent, mais une succession de textes qui tous proviennent de recueils édités pour eux-mêmes, de façon autonome, et qui incitent à poursuivre plus amplement la rencontre en choisissant de découvrir telle ou telle oeuvre en son entier.
Car le voyage révèle, par-delà le thème constant de la passion amoureuse, des individualités farouches, des personnalités irréductiblement singulières. Ce qu'un vers ou quelques mots extraits de l'un de leurs écrits suggèrent en ouverture des pages à chacune consacrées. S'y lit ainsi ce qui relie et ce qui sépare, ce qui entre en résonance et improvise pour soi seule.
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«Nous ne naissons pas seuls. Naître, pour tout, c'est co-naître. Toute naissance est une connaissance. Pour comprendre les choses, apprenons les mots qui en sont dans notre bouche l'image soluble. Ruminons la bouchée intelligible. La parenté est certaine qui relie les idées dans trois langues d'acquérir par l'esprit et de surgir ; genoumai et gignôsko, nasci, gignere, novi, cognoscere, naître et connaître. Jusqu'aux formes inchoatives et passives réparties entre les deux familles, tout, dans l'anatomie de ces verbes, veut dire. Interprétons, que toute chose qui s'inscrit dans la durée est requise par la constitution ambiante et préalable de sa condition complémentaire et trouve hors d'elle-même sa raison d'être qui se parfait en l'engendrant. J'appelle très proprement connaissance oui cette nécessité pour tout d'être partie : d'abord. Cette partie secondement, la liberté pour l'homme de la faire, de créer sa position lui-même sur l'ensemble ; et troisièmement cette répercussion, qui est de savoir ce qu'il fait.» Paul Claudel.
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Cinq grandes odes ; processionnal pour saluer le siècle nouveau
Paul Claudel
- Gallimard
- Poesie Gallimard
- 29 Avril 1966
- 9782070300747
«Claudel est trop poète pour réduire le langage au récit des faits ou des idées, trop impatient pour nous mener sous de vagues prétextes à des ravissements clandestins, mais il est trop prudent pour pousser l'écriture à ses confins d'imagination gratuite, de musique pure ou d'expériences plastiques. Les vertus qu'il a sont contradictoires et son art en fait une synthèse qu'on a peu de chance de rencontrer à nouveau. Elle est peut-être à son plus haut point dans les odes. Celles-ci se soumettent si peu à un ordre externe que l'auteur a dû les faire précéder d'arguments qui guident la lecture, mais elles sont parfaitement organisées à l'intérieur de leur mouvement. On peut y perdre pied, on se sent emporté dans une cohérence. Et chaque relecture nous y fait mieux découvrir, sous les violences de l'esprit et de l'âme, à travers les changements d'allure et les allusions bigarrées, une profonde science de la vie. Plus on comprend la structure de cette démarche, plus on aime cette extrême liberté sans désordre, une espèce d'immense cri vierge.» Jean Grosjean.
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Le peu du monde ; je te salue Jamais
Kiki Dimoula
- Gallimard
- Poesie Gallimard
- 11 Mars 2010
- 9782070412334
Kiki Dimoula est actuellement la grande voix, la voix majeure de la poésie grecque. Née en 1931, elle impose son univers si personnel, si détaché de toute espérance après les visions du monde lumineux ou combattant de Ritsos, Elytis ou Séféris. Le temps, l'absence, la mort, le néant sont les constantes d'une thématique très noire, mais incarnées dans des scènes quotidiennes inattendues, éclairées par un art de la métaphore et une invention verbale inouïs. Cette poésie, en fait, ne ressemble à rien de connu - sinon peut-être aux Metaphysical Poets du XVIIe siècle anglais. Comme eux, et comme tous les explorateurs lucides de l'être, Kiki Dimoula ne craint pas d'avouer : « Oui l'impossible me suffit ».
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«Qui m'aurait permis [...] de résister à la tentation, là-bas partout ambiante, de la calligraphie ?» À la fin de son séjour au Japon, Claudel témoignera ainsi des effets sur sa poésie de la rencontre avec les arts japonais. À la calligraphie d'un titre de poème bref, ou d'un mot clef, fait face, sur la même page, et selon une disposition verticale qui imite le mouvement de lecture japonais, un très bref poème en français qui ne cherche pas à copier la forme du haïku, mais à la transposer sur un registre propre d'inspiration : «Chaque poème est très court, une phrase seulement, ce que peut supporter de son, de sens et de mots, une haleine, un souffle, ou le battement de l'aile d'un éventail.»