«Alex vida son verre de vin, puis son verre d'eau. L'océan semblait calme, d'un noir plus sombre que le ciel. Ses paumes devinrent moites sous l'effet d'une vague d'angoisse. Soudain, il paraissait illusoire que quoi que ce soit puisse rester caché, qu'elle puisse passer avec succès d'un monde à l'autre.»L'été touche à sa fin à Long Island, et Alex n'est plus la bienvenue. Un faux pas lors d'un dîner et Simon lui paye un billet retour pour New York. Sans ressources, avec pour toute possession un téléphone qui a pris l'eau et ce don qu'elle a d'orienter à sa guise les désirs des autres, Alex décide de s'attarder dans les parages et se met à dériver tel un fantôme entre les avenues bordées de haies, les allées de garage protégées par des grilles et les dunes écrasées de soleil. Elle passe la semaine à errer, d'une rencontre à l'autre, refusant d'en rester là : Simon sera sûrement content de la voir arriver à sa fête du Labor Day.Tendu, volcanique et impossible à lâcher, L'Invitée est une prouesse littéraire envoûtante.
Le 1er décembre 1969, Teddy, Lincoln et Mickey, étudiants boursiers dans une fac huppée de la côte Est, voient leur destin se jouer en direct à la télévision alors qu'ils assistent, comme des millions d'Américains, au tirage au sort qui déterminera l'ordre d'appel au service militaire de la guerre du Vietnam. Un an et demi plus tard, diplôme en poche, ils passent un dernier week-end ensemble à Martha's Vineyard, dans la maison de vacances de Lincoln, en compagnie de Jacy, le quatrième mousquetaire, l'amie dont ils sont tous les trois fous amoureux.
Septembre 2015. Lincoln s'apprête à vendre la maison, et les trois amis se retrouvent à nouveau sur l'île. À bord du ferry déjà, les souvenirs affluent dans la mémoire de Lincoln, le «beau gosse» devenu agent immobilier et père de famille, dans celle de Teddy, éditeur universitaire toujours en proie à ses crises d'angoisse, et dans celle de Mickey, la forte tête, rockeur invétéré qui débarque sur sa Harley. Parmi ces souvenirs, celui de Jacy, mystérieusement disparue après leur week-end de 1971. Qu'est-il advenu d'elle? Qui était-elle réellement? Lequel d'entre eux avait sa préférence? Les trois sexagénaires, sirotant des bloody-mary sur la terrasse où, à l'époque, ils buvaient de la bière en écoutant Creedence, rouvrent l'enquête qui n'avait pas abouti alors, faute d'éléments. Et ne peuvent s'empêcher de se demander si tout n'était pas joué d'avance.
Une jeune fille devient la cible de la presse à scandale après avoir été la nounou du fils d'une célébrité. Une adolescente séjourne chez son amie, dans le ranch d'une communauté hippie, et découvre la perversité des premiers jeux sexuels. Un rédacteur en chef lâché par tout son réseau de relations et par sa fiancée tente de devenir le prête-plume d'un self-made-man. Une trentenaire se fait passer pour une ado sur des sites de rencontre. Un père se demande quelle image ont aujourd'hui de lui ses enfants, venus fêter Noël en famille. Un autre, alerté d'un incident dans l'école de son fils, a rendez-vous avec le directeur de l'établissement. Un scénariste divorcé retrouve chez elle sa petite amie dont les addictions cachent un profond mal-être. Un jeune homme qui vit et travaille dans la ferme de son beau-frère se demande quel futur les attend ici, lui, sa femme et leur enfant à naître.
Autant de nouvelles que de décors balayés du regard incisif d'Emma Cline, qui éclaire au passage, d'un rai de lumière implacable, la perversité larvée en chacun de ses personnages, en même temps que leur immense vulnérabilité.
Nord de la Californie, fin des années 1960. Evie Boyd, quatorze ans, vit seule avec sa mère. Fille unique et mal dans sa peau, elle n'a que Connie, son amie d'enfance. Lorsqu'une dispute les sépare au début de l'été, Evie se tourne vers un groupe de filles dont la liberté, les tenues débraillées et l'atmosphère d'abandon qui les entoure la fascinent. Elle tombe sous la coupe de Suzanne, l'aînée de cette bande, et se laisse entraîner dans le cercle d'une secte et de son leader charismatique, Russell. Caché dans les collines, leur ranch est aussi étrange que délabré, mais, aux yeux de l'adolescente, il est exotique, électrique, et elle veut à tout prix s'y faire accepter. Tandis qu'elle passe de moins en moins de temps chez sa mère et que son obsession pour Suzanne va grandissant, Evie ne s'aperçoit pas qu'elle s'approche inéluctablement d'une violence impensable. Dense et rythmé, le premier roman d'Emma Cline est saisissant de perspicacité psychologique. Raconté par une Evie adulte mais toujours cabossée, il est un portrait remarquable des filles comme des femmes qu'elles deviennent.
Après la guerre civile, le capitaine Jefferson Kyle Kidd par- court le nord du Texas et lit à voix haute des articles de jour- naux, devant un public à ce point avide des nouvelles du monde qu'il est prêt à payer pour les entendre : les Irlandais migrent à New-York ; une ligne de chemin de fer traverse désormais le Nebraska ; le Popocatépetl, près de Mexico, est entré en éruption. Le vieil homme, veuf, qui a connu trois guerres et vivait jadis de son métier d'imprimeur, pro- fite à présent de sa liberté pour sillonner les routes, même si son corps le fait souffrir et que l'argent se fait rare.
Lors d'une étape à Wichita Falls, on offre au capitaine Kidd une pièce d'or pour ramener une jeune orpheline à la fa- mille qu'il lui reste, près de San Antonio. Quatre ans aupa- ravant, des Indiens Kiowa avaient massacré les parents et la soeur de Johanna Leonberger, mais épargné la fillette, qu'ils avaient élevée comme une des leurs. À 10 ans, Johanna, les yeux bleus et les cheveux couleur sucre d'érable, vient une fois de plus d'être arrachée à son seul foyer par l'armée américaine. Le capitaine Kidd accepte cette mission, sa- chant combien le voyage sera long et difficile.
Leur périple à travers des territoires vierges, sur des routes impitoyables, s'avère dangereux. Le gouvernement fédéral est aux mains d'une administration corrompue ; anarchie et illégalité ont pris le dessus. Le capitaine doit se méfier des voleurs, des Comanches et des Kiowas autant que de l'armée fédérale, et apprivoiser la sauvage Johanna. Pe- tite et maigrelette, l'enfant a oublié l'anglais, elle tente de s'échapper à la moindre occasion, veut à tout prix se dé- barrasser de ses chaussures et refuse de se conduire de fa- çon « civilisée ». Pourtant, au fil des kilomètres, elle baisse la garde pour se rapprocher de celui qu'elle nomme « Ka- pi-Dan ». À San Antonio, un autre obstacle les attend, et le respectable vieil homme se retrouve face à un choix terrible qui décidera du sort de Johanna - mais aussi du sien.
Paulette Jiles situe son roman, finaliste du National Book Award, dans un territoire à la fois beau et inhospitalier, et explore les limites de la famille, de la responsabilité, de l'honneur, de la confiance.
Douglas Raymer est chef de la police de Bath, ancienne cité industrielle du New Jersey mal remise de la crise, voisine de la si pimpante Schuyler. Quand Dougie était collégien, sa professeur d'anglais écrivait dans les marges de ses rédac- tions : « Qui es-tu, Douglas ? » Trente ans plus tard, Raymer n'a pas bougé de Bath et il ne sait toujours pas répondre à la question. Dégarni, certes, enclin à l'embonpoint, veuf d'une femme qui s'apprêtait à le quitter. Pour qui ? Voilà une autre question qui torture Raymer. Car depuis la mort accidentelle de Becka, ce policier élu à la tête de son district presque mal- gré lui vit dans un brouillard, tout juste égayé par la présence de son assistante, la jeune Charice, policière noire fière de son identité. De l'autre côté de la ville, un septuagénaire passe sa retraite sur un tabouret de bar. Sully connaît tout Bath et tout Bath connaît Sully : buveur, fumeur, aussi sarcastique et rusé qu'un vieux loup de mer. Mais comment garder son flegme lorsque résonne encore le diagnostic des cardiologues : « Deux années, grand maximum » ? En regardant, peut-être, les gens passer. Or pour cela, Sully a l'embarras du choix. Il y a Rub, son acolyte bègue ; Carl, le magnat de la ville, qui passe ses nuits devant des films X dans l'espoir de retrouver sa forme d'avant-prostatite. Jerome, le frère jumeau de Charice, maniaque, amoureux de la syntaxe et de sa Mustang rouge.
Alice, la femme du maire, qui passe des coups de fil imagi- naires depuis un téléphone cassé. Zack, le mari de Ruth, qui collectionne les vieux objets déglingués. Leur fille Janey, me- nacée par son ancien mari cogneur, à peine sorti de derrière les barreaux. Et puis Rub le chien, qui mordille son pénis en permanence... En quarante-huit heures d'un été torride qui voient - entre autres péripéties - Douglas Raymer s'évanouir au fond d'une tombe, un bâtiment du centre-ville s'écrouler mystérieusement et un cobra s'échapper d'un élevage clan- destin, tout ce petit monde à la dérive va se retrouver boule- versé. De course-poursuites en confessions, de bagarres en ré- vélations, Raymer, Charice, Sully et les autres vont apprendre à affronter les grandes misères de leurs petites existences.
Avec la virtuosité qu'on lui connaît, l'auteur du Déclin de l'Em- pire Whiting revient au roman pur dans cette symphonie hu- maine féroce et déjantée qui tient autant de Philip Roth que de David Lodge. Fidèle à la ville de North Bath, Russo pose sur ses habitants un regard caustique mais jamais perfide, qui déshabille la sexualité des uns, les frustrations des autres, et place toujours une lumière au bout du tunnel.
Tous deux fraîchement diplômés de Princeton, John et Joe sont davantage affamés de littérature que de nourritures terrestres, et ils ont la ferme intention de tourner le dos à tout ce qu'on attend d'eux aux États- Unis : un mariage, un bon job, une visite hebdomadaire aux parents. Ainsi s'embarquent-ils pour un long voyage qui les mènera de Munich à Nairobi sur une moto BMW immaculée, baptisée en l'honneur du périple : le Nil Blanc.
Objet littéraire singulier, ces carnets de voyage constituent un roman de formation itinérant. En même temps qu'ils arpentent champs de ruines gréco-romaines, villages de Bédouins ou capitales du tiers-monde, les deux amis font l'apprentissage de l'altérité, de la solitude, et, aussi, des inévitables désillusions au détour du chemin. L'opulente nature africaine est ici magnifiée sous une plume d'une fougue et d'une franchise irrésistibles qui ont le charme de ses vingt ans.
Les Carnets du Nil blanc sont le premier volume de la série de carnets écrits par John Hopkins au cours de ses voyages. Lui succèderont les Carnets de Tanger (1962-1979) et les Carnets d'Amérique du Sud (1972-1973).
Un professeur d'université est plagié par l'un de ses étu- diants.
Un autre se chamaille avec son frère lors de vacances en Italie.
Un agent immobilier peine à vendre la maison d'une en- tasseuse compulsive, qui possède entre autres une ma- chine à expresso de la taille d'une motoneige.
Un romancier se méfie de producteurs de cinéma qui lui demandent de remanier un scénario écrit des années au- paravant. « Un homme intelligent en serait resté là, songe- t-il, mais cet homme-là n'est visiblement pas dans les pa- rages. » Quatre histoires brèves mais puissantes et surprenantes, dont les héros, confrontés à des obstacles à première vue franchissables, s'empêtrent dans de véritables crises exis- tentielles. Avec son sens du détail et ses traits d'humour, Richard Russo a le chic non seulement pour trouver le point comique dans toutes ces situations, mais aussi pour faire s'entrechoquer le présent et le passé de ses person- nages, et mener dans ces récits une étude approfondie des regrets qu'ils ont accumulés au fil des ans.
Harvey a mal partout. Le bracelet électronique n'arrange rien, il a les chevilles fragiles et l'escalier tapissé de la villa qu'on lui prêtée est difficile à manoeuvrer. Demain c'en sera fini, il sera disculpé de tout ce qu'on lui a mis sur le dos dans le seul but de lui nuire. Dès demain il pourra se lancer dans de nouveaux projets. Entre deux coups de fil à ses avocats, qu'il parvient à ne pas envoyer complètement balader, il aperçoit Don de Lillo dans le jardin voisin. Adapter son chef-d'oeuvre, Bruit de fond, au cinéma. Voilà. C'est LE moment de faire ce film, braille-t-il au téléphone. En attendant, le médecin doit venir lui faire une perfusion, une nouvelle thérapie, à la pointe. Devant le miroir, Harvey songe qu'il doit se faire blanchir les dents.
Il demandera à son assistante de lui prendre rendez- vous, et de lui arranger une entrevue avec de Lillo. Ah, et sa fille Kristin vient dîner ce soir avec Ruby, sa petite-fille. Tout le monde semble penser qu'il joue sa vie, demain. Il ne voit pourtant pas de raison de s'inquiéter, surtout quand il lit les commentaires de soutien sur internet - il y en a - et surtout après la perfusion, qui le fait dériver dans l'espace. Il a tout le temps devant lui.
Alice rêve d'être actrice, comme la moitié des filles de Los Angeles. Elle occupe une chambre sordide qu'elle paie en vendant des vêtements de mauvaise qualité pour une marque de prêt-à-porter. Lorsque sa mère cesse de financer ses cours de théâtre, Alice panique. Elle se souvient que sa jeune collègue, Oona, lui a parlé en riant des types qu'elle rencontre sur internet et à qui elle vend ses petites culottes. Ce qui avait profondément choqué Alice devient une possibilité, supportable, inoffensive. Après tout, que pourrait-il lui arriver?
La nouvelle d'Emma Cline envoûte et saisit par sa précision tranchante et sa singulière perspicacité. Los Angeles est le portrait indélébile d'une ville mythifiée qui dévore les rêves des filles, les abandonnant abimées, désenchantées et éperdument seules.
Au lendemain de l'élection de Donald Trump, David et sa femme Ellie reçoivent à dîner deux couples d'amis et anciens voisins partis vivre dans une banlieue plus cossue. Ils se sont tous connus à l'université où ils enseignaient et sont désormais à la retraite. La question que chacun se pose, c'est comment le pays a pu en arriver là.
Après le départ des Schuulman et des Miller, Ellie s'attarde à ranger les restes du dîner et, au moment d'éteindre les lumières et d'aller se coucher, détecte une drôle d'odeur dans l'air du jardin. David, depuis la fenêtre de leur chambre, la voit s'arrêter près du jaccuzzi et se figer en apercevant dans l'eau une offrande des moins ragoûtantes. Éternel optimiste, David n'en fait pas une affaire et cherche à rassurer sa femme. Quand l'incident se reproduit quelques jours plus tard, il propose à Ellie un voyage chez leur fille à Los Angeles pour se changer les idées, et à leur retour tout semble normal dans la maison. Jusqu'au jour où une grosse chaleur les pousse à allumer la clim. Quelques heures plus tard, la maison est envahie de mouches à m***. Ellie repart aussi sec à Los Angeles, laissant à David le soin d'élucider l'affaire et de vendre la maison.
Leur pancarte de soutien à Hillary Clinton avant les élections y serait-elle pour quelque chose ? Ou bien un ancien étudiant qui chercherait vengeance ? La réponse est encore plus banale. Une erreur, aux conséquences dévastatrices dans la vie de David.
L'humour noir imprègne cette fable politique qui explore les failles - aussi discrètes que profondes - qui peuvent fracturer l'amitié, la famille, la communauté.
P eu de temps après la disparition de sa mère, Richard Russo, écrivain couronné du prix Pulitzer et auteur d'une dizaine de romans traduits dans le monde entier, prend la plume pour décrire la vie de cette femme autoritaire mais fragile qu'il adora autant qu'il la subit.
À chaque étape de l'existence de son fils, de son enfance dans la banlieue industrielle de New York à sa carrière dans les universités américaines, de son mariage à l'éducation de ses deux filles et les améliorations successives de son niveau de vie, elle le suivit comme une ombre encombrante et intouchable, ballottée au gré des déménagements successifs, écartelée entre ses tentatives de préserver un mode de vie qu'elle souhaitait « indépendant » et les violentes crises nerveuses dont elle était si souvent victime, et qui marquèrent à jamais l'ensemble de la famille Russo. Ailleurs retrace le déchirant parcours d'un être torturé sa vie durant par un trouble obsessionnel-compulsif diagnostiqué trop tard, mais constitue, avant tout, la plus belle épitaphe adressée à sa mère par celui qui, parvenu enfin à la comprendre, fut son unique raison de (sur)vivre.
Le 11 novembre 1920, le corps du Soldat inconnu est mis en terre à l'abbaye de Westminster à Londres. Parmi ceux qui assistent à la cérémonie - qualifiée par le Times de " plus grande effusion de larmes que l'Angleterre ait jamais connue " - figure Alex Dyer. S'il a tout fait pour appartenir à la commission chargée de sélectionner celui qui va incarner les millions d'hommes morts sur le front pour leur patrie, c'est qu'il a une dette à payer. La Rafale des tambours retrace l'histoire de trois personnes emprisonnées dans le cauchemar de la Grande Guerre : le journaliste Alex Dyer, son ami d'enfance Ted Eden et Clare, l'infirmière que Ted a épousée lors d'une permission. Alex aime Ted comme son frère, mais Clare lui inspire une passion à laquelle ni lui ni elle ne sauront résister. Ce premier roman est une puissante évocation des ravages que causent la guerre, l'amour et le remords.
Dans une petite ville au nord de l'Etat de New York, élevée au rang d'archétype de la bourgade américaine, Harry, le patron du Mohawk Grill, est témoin des ambitions contrariées, des amours et des haines cachées de sa clientèle.
Il n'a pas jugé bon de remplacer le vieux calendrier de 1966 accroché à son mur. Malgré la fin des tanneries et des peausseries qui faisaient vivre la région, malgré le déclin qui s'amorce, "les mois sont toujours les mêmes". Attachant, poignant et souvent très drôle, Mohawk, le premier roman de Richard Russo, publié aux Etats-Unis en 1986, porte en lui toutes les promesses de l'ouvre à venir.