Filtrer
Rayons
Support
Éditeurs
Langues
Prix
L'Atelier Contemporain
-
Antonello de Messine. Une clairière à s'ouvrir
Franck Guyon
- L'Atelier Contemporain
- 18 Octobre 2024
- 9782850351693
« Se pourrait-il qu'un événement soit ce moment si singulier qu'il prend forme et consistance dans le plus grand silence pour répondre en écho, secrètement, à bien d'autres moments [...] et que tous forment alors, les uns pour les autres, et par les autres, une sorte de territoire, de constellation, où les appels deviennent accueils et les accueils appels ? »
C'est dans le sillage de tels événements fondateurs que nous entraine Franck Guyon. Au centre du récit, un événement pictural : la réalisation par Antonello de Messine d'une Vierge de l'Annonciation, à la fin du XVème siècle. De l'Annonciation, pourtant, le peintre sicilien ne représente rien - en tout cas rien de ce qui, dans la tradition, permet habituellement sa lecture : nulle colombe, nul ange surgi des espaces divins, ni la moindre trace narrative dans ce tableau de la Renaissance italienne. Au lieu de cela, un simple portrait de Marie, élue parmi toutes les femmes pour mettre au monde le Fils de Dieu. Cette mise au monde porte avec elle tout le mystère de l'Incarnation - du passage de la divinité transcendante à la vie terrestre. Voici l'événement indicible, édifiant, prêt à bouleverser une civilisation.
Ainsi, deux vertiges qui se répondent : le mystère de l'Incarnation et celui de son impossible représentation. À cette frontière où se rejoignent le mondain et le divin, où l'ubiquité s'affirme dans le lieu terrestre, où l'éternité rencontre le temps de l'homme, tout est à repenser au-delà des rapports logiques qui régissent la raison commune.
À partir du tableau exceptionnel d'Antonello de Messine dont il interroge la fascinante énigme (que peut un portrait devant ce destin ?), ponctuant son itinéraire des propos de théologiens, écrivains, poètes ou penseurs qui ont médité ces gouffres spirituels et picturaux, Franck Guyon nous mène au coeur de l'ineffable, de l'inénarrable, du retentissant silence qu'exige paradoxalement la vérité d'un épisode sans pareil. S'émerveillant de ce tableau dont la force est à la mesure du dénuement - condition même de la possibilité de manifestation de l'invisible - il nous plonge alors dans l'événement fondateur, qui ne fait qu'un avec celui du passage de la représentation à la présence : miracle parfaitement digne de l'Annonciation. -
Quand les Impressionnistes s'exposaient
Laurent Manoeuvre
- L'Atelier Contemporain
- 5 Avril 2024
- 9782850351518
En 1874, un groupe de peintres dissidents expose ses oeuvres en marge des circuits officiels. Un critique invente par dérision le mot «?impressionnisme?». Cet événement est considéré, à juste titre, comme l'une des étapes initiatrices de l'art moderne. Avec ces expositions, l'écosystème de l'art contemporain se met alors en place?: recherche du scandale, intervention monopolistique d'un marchand, union opportuniste des plasticiens et des écrivains d'avant-garde. Cinquante-huit artistes ont participé aux huit expositions qui ont eu lieu entre 1874 et 1886. Parmi les plus connus des impressionnistes, seul Pissarro est présent à la totalité des expositions. Monet n'apparaît qu'à cinq, Renoir et Sisley à la moitié seulement. Manet, Whistler, Van Gogh ou Lautrec, dont les noms sont souvent associés à ce mouvement, n'ont jamais exposé avec les impressionnistes, contrairement à Forain, Seurat, Gauguin ou au symboliste Redon. L'accent est systématiquement mis sur la rupture picturale que constituent ces expositions. Pourtant, ces expositions présentent un large échantillon de techniques et de supports?: estampes, sculptures, projets de céramiques, éventails, dessins... Dans tous ces domaines, les impressionnistes expérimentent et se montrent novateurs. Quelques décennies avant le triomphe de l'Art nouveau, ils gomment les frontières entre beaux-arts et arts décoratifs. Degas sculpteur ouvre la voie à l'hyperréalisme. Les impressionnistes remettent aussi en question l'organisation du marché de l'art, cherchant à se promouvoir et à vendre directement leurs oeuvres. Ils lancent des campagnes de communication agressives, dont les méthodes «?de Barnum?» étaient jusqu'alors réservées aux spectacles populaires?: mâts publicitaires, drapeaux, affiches voyantes... Dans les salles d'exposition, tout est soigneusement organisé, du tissu qui couvre les murs, aux encadrements, sans oublier les banquettes et l'éclairage. Durand-Ruel, qui s'imposera comme le marchand des impressionnistes, développe, lui aussi, et non sans mal, une stratégie commerciale inédite. Pariant sur l'avenir, il tente de se réserver l'exclusivité de la production de ces artistes. Il part à la conquête d'un marché nord-américain ouvert à de nouvelles formes d'art. Lorsque Durand-Ruel meurt, en 1922, l'impressionnisme est mondialement consacré. Ces expositions se déroulent alors que la grande déflation frappe le marché de l'art. Les acheteurs devenant rares, les peintres officiels cherchent à éliminer toute concurrence. Ils bénéficient de l'appui d'une presse en pleine expansion. Tous les arguments sont bons pour discréditer les impressionnistes?: escrocs, aliénés mentaux, secte... Les rebelles bénéficient du soutien de quelques plumes?: Zola, Huysmans, Laforgue, Mallarmé, Fénéon... Mais ces voix n'ont alors que peu ou pas de prestige. Lorsque Zola connaît enfin le succès, il publie L'oeuvre, qui est ressenti par les impressionnistes à la manière d'une trahison. Plus que les attaques de la presse, ce sont l'opportunisme de certains membres et les rivalités internes qui minent le groupe. Le scandale a contribué à faire connaître les impressionnistes. De jeunes artistes de formation académique s'approprient leurs recettes. Profitant de cette évolution, Renoir, puis Sisley et Monet rejoignent le très officiel Salon. Au fil des expositions, deux tendances s'opposent chez les insurgés?: volonté de cohérence esthétique d'une part, ouverture à de nouvelles formes d'expression, d'autre part. Caillebotte, qui cherche à muséifier l'impressionnisme, incarne la première tendance. Degas et Pissarro, au contraire, invitent de jeunes artistes dont les expressions et les aspirations sont parfois différentes de celles des impressionnistes. Hétérogène, mais riche d'avenir, l'ultime exposition de 1886 ouvre la voie aux formes nouvelles d'expression (néo-impressionnisme, symbolisme) qui, jusqu'au début du vingtième siècle, se succéderont avec une extrême rapidité. Cet ouvrage s'appuie sur une documentation de première importance et met en avant propos et témoignages de «?premières mains?» qui révèlent pour la première fois la stratégie des artistes. Les échos avec notre époque contemporaine sont multiples et pour le moins surprenants... Aucune étude de ce type sur l'impressionnisme n'avait été réalisé, et ce livre constitue un apport de grande importance pour l'histoire de l'art et de sa médiation à l'aube du modernisme.